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Le 22/12/2020 à 11h

2021, année de la maturité pour la commande publique ?

A chaque fin d’année - ou plutôt au tout début d’une nouvelle année - il est coutume de faire un bilan ainsi qu’un ou plusieurs vœux. On a ainsi plusieurs fois eu l’occasion de le faire dans ces colonnes s’agissant de l’achat public et de ses acteurs.

Le moins que l’on puisse dire est que l’exercice n’est pas aisé en cette fin d’année 2020, année qui a été si particulière pour tous et donc pour les acheteurs publics et leurs prestataires.

On va toutefois prendre le parti d’adopter un ton positif et de parier pour 2021 sur une maturité de la commande publique et de ceux qui l’animent.

2021, année de la maturité pour la commande publique ?

Maturité de la règlementation ?

« Etat de l’esprit, d’un talent qui est parvenu à la plénitude de son développement ».

Au travers de cette définition du Larousse, la maturité de la commande publique signifierait qu’elle est arrivée à un stade élevé, presque abouti, de sa progression, une sorte non pas de perfection mais de plénitude normative.

Il est vrai que le code de la commande publique applicable depuis avril 2019, même s’il est loin d’être parfait, est une boite suffisamment riche en outils au service des acheteurs publics. Et on peut gager que, tant en termes de procédures que de critères de choix ou encore, sans être exhaustif, d’exécution financière-avances, acomptes...- tout n’a pas encore été exploré par bon nombre d’acheteurs, loin de là. Pour ne donner que quelques exemples, s’agissant des procédures, quid du système d’acquisition dynamique, qui pourrait pourtant s’avérer fort utile à une époque où la dématérialisation des procédures est pleinement entrée dans les mœurs ? Quid encore du partenariat d’innovation, encore très peu utilisé alors qu’il est une clé essentielle pour les acheteurs souhaitant bénéficier, au travers d’une procédure complète et rigoureuse, de produits, services ou travaux novateurs, modernes et audacieux ?

Une telle boite à outil au service des acheteurs va d’ailleurs encore s’enrichir avec l’avènement des six CCAG prévue au printemps prochain, dont certains comme celui applicable aux marchés de maitrise d’œuvre totalement nouveaux.

Certes, pour aboutie qu’elle soit, la règlementation de la commande publique n’en est pas pour autant figée et fait et fera régulièrement l’objet d’adaptations, ne serait-ce que sous l’influence de la jurisprudence du Conseil d’Etat ; sans nier celle du droit européen et tout particulièrement des directives intéressant de près ou de loin la commande publique et qu’il nous appartient de transposer fidèlement. Et puis, comme pour le seuil de non mise en concurrence des achats innovants - décret 2018-1225 du 24 décembre 2018 - ou la possibilité de réserver jusqu’à un tiers des marchés passés par les collectivités ultra-marines à des PME locales - Loi 2017-256 du 28 février 2017 -, d’autres expérimentations, destinées à être pérennisées ou non, verront sans doute le jour dans les mois et les années à venir. De même, comme cela vient notamment d’être fait pour le seuil des marchés de travaux dans le cadre de la loi ASAP du 7 décembre dernier, des adaptations temporaires pourront aussi voir le jour ici et là en fonction de l’évolution de la situation économique ; la même loi ASAP ayant d’ailleurs donné la possibilité au gouvernement d’adopter de telles mesures avec une certaine souplesse, et même de supprimer toute procédure de publicité et de concurrence pour certains achats pour un motif « d’intérêt général ».

Mais il faut tout de même reconnaître une certaine stabilité de la règlementation de la commande publique dans un domaine qui a beaucoup évolué ces vingt dernières années, une telle stabilité étant appelée de tous leurs vœux par les acteurs tant publics que privés de la commande publique.

Maturité des acheteurs ?

C’est peu de dire que c’est un message que l’on répète sans cesse : il faut aller vers une nécessaire professionnalisation des acheteurs publics, ce qui passe par un système solide et rompu de formations initiales mais aussi continues qui, notamment au sein des Universités, commence véritablement à se mettre en place.

Réussir une telle professionnalisation, c’est aussi s’approprier des domaines jusque-là quelque peu délaissés.

Parmi eux, on se contentera d’en citer deux.

Le premier est celui du contract management, c’est à dire du suivi de l’exécution des contrats de la commande publique. On sait pourtant que la grande majorité des pré-contentieux et contentieux dans les marchés publics et les concessions concerne non pas leur passation mais leur exécution, et qu’ils traduisent souvent non seulement un manque de préparation des procédures en amont mais aussi et peut être surtout des carences dans le suivi des contrats une fois attribués et signés. Piloter et tracer les échanges, conduire les modifications des contrats, gérer les différends, appliquer les sanctions prévues... De telles missions du contract manager sont d’autant plus importantes dans des périodes de crise comme celle que nous sommes en train de vivre.

Le second, tout aussi d’actualité, est relatif à la compliance, terme à la mode qui touche à des domaines sensibles comme la prévention des délits d’atteinte à la probité (corruption, prise illégale d’intérêts, favoritisme, etc…), les conflits d’intérêts, la déontologie de tous ceux, élus, agents publics et entreprises, qui participent à l’acte d’achat...A ce jour, moins de 5% des agents publics territoriaux ont par exemple reçu une formation en matière de prévention des atteintes à la probité, ce qui prouve que le champ d’action est vaste et qu’il y a encore beaucoup à faire.

La professionnalisation, et donc en quelque sorte la maturité des acheteurs, c’est aussi savoir travailler en équipe et ne pas compartimenter et segmenter la préparation, la passation et le suivi des marchés publics et concessions qui nécessitent au contraire une complémentarité entre leurs volets juridique, métier d’achat-sourcing, négociation... - proprement dit - mais aussi technique, financier... l’acheteur public n’est pas un mais multiple et pluridisciplinaire, il est essentiel de le prendre en compte.

Il s’agit également pour ces acheteurs de non seulement connaitre, mais aussi de savoir manier la règlementation qui leur est applicable, afin au cas par cas de trouver un équilibre entre sécurité, respect de la légalité et efficience, ou encore entre respect des grands principes d’accès, d’égalité et de transparence et tentations souvent sollicitées par les décideurs politiques du « made in France » à tout prix ou presque, ou du fameux « localisme ».

On pourrait aller encore plus loin et décliner toutes les facettes - en faisant des focus sur le RSE par exemple ou sur la rédaction des cahiers des charges - de ce métier d’acheteur qui ne peut que gagner à être connu et promu, même si, victime de son succès, il va sans doute se complexifier avec le temps tout en devenant un objet enfin identifié tant au sein du secteur public que privé.

Devenir des objets identifiés : c’est en tout cas tout le mal que l’on peut souhaiter à l’achat public et à ses acheteurs pour cette année 2021.

Jean-Marc PEYRICAL
Avocat Associé, Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Maître de conférences des Universités, Directeur de la Chaire Achat Public de l’Université de Paris Saclay
Président de l’APASP, Association Pour l’Achat dans les Services Publics

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