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Le 10/06/2021 à 10h

Paris : les fondamentaux du projet Ordener-Poissonniers désormais fixés

Après six ans et demi d'ajustements, le projet Ordener-Poissonniers semble s'être enfin stabilisé. La réunion de clôture de la concertation s'est tenue le 31 mars 2021 et le bilan de la concertation règlementaire a été tiré par arrêté de la maire le 7 mai 2021. Une délibération portant sur un protocole foncier et une convention de PUP entre Espaces Ferroviaires et la Ville de Paris doit maintenant être examinée lors du prochain Conseil de Paris qui aura lieu du 1er au 4 juin prochains.

Dans le collimateur des collectifs de riverains, le projet Ordener-Poissonniers a beaucoup fait parler de lui, en particulier pendant la dernière campagne municipale. À lui seul, il illustre parfaitement les antagonismes qui agitent les professionnels autant que les habitants : d'un côté, la volonté de densifier pour répondre à la crise du logement et garantir l'accès au logement pour tous dans Paris intra-muros ; de l'autre, la nécessité de dédensifier pour rendre le cadre de vie plus attractif et éviter que la capitale ne perde encore plus d'habitants.

Paris : les fondamentaux du projet Ordener-Poissonniers désormais fixés

Emprise du projet



On rembobine

À l'arrêt depuis 2013-2014, l'ancien dépôt SNCF de la Chapelle a d'abord accueilli entre 2015 et 2016 des opérations d'urbanisme transitoire (Ground Control et Grand Train) dans l'attente d'un projet d'aménagement. Cette propriété de 3,5 hectares appartenant à SNCF Voyageurs s’inscrit en effet dans le cadre du protocole pour le logement conclu le 6 mai 2015 entre la Ville de Paris et le groupe SNCF dans le but de créer des logements, notamment sociaux. En 2016, un appel à partenariat opérateurs a été lancé, remporté en 2019 par le groupement Emerige-Ogic avec la maîtrise d'œuvre composée de Christian Biecher Architectes, SLA Paysagistes, TN+ Paysagistes, Oasiis, SETEC TPI et BOA.


Au début du printemps, la phase de concertation règlementaire s'est clôturée avec à la clé, une nouvelle version de ce projet tant de fois amendé. Dans sa dernière mouture, l'opération prévoit de construire un quartier de 72 100 m² SDP taillé pour 880 habitants, contre 79 700 m² pour 1 000 habitants précédemment.

Parmi les évolutions majeures, on note le passage d'1,1 ha à 2,1 ha d'espaces paysagers dont un jardin d'un seul tenant de 15 200 m² majoritairement en pleine terre. Avec la bande maraîchère de 3 000 m² le long des voies et la cour d'école végétalisée dite "cour Oasis", les espaces verts ont été portés de 45% à 52% de la superficie du projet.

Evolution du projet depuis 2016

Evolution chiffrée sur les 3 étapes clés du projet : 2016 (lancement), juin 2019 (Jury), Mars 2021 (Clôture)

Constructibilité :
2016 (lancement) : 80 000 m²
Juin 2019 (jury) : 79 700 m² SDP
Mars 2021 : 72 100 m² SDP

Emprise bâtie :
2016 (lancement) : -
Juin 2019 (jury) : 17 042 m²
Mars 2021 (clôture) : 14 520 m²

Ensemble des Espaces Verts ouverts au public (y compris agriculture urbaine et cours oasis) :
2016 (lancement) : 4 000 m²
Juin 2019 (jury) : 11 000 m²
Mars 2021 (clôture) : 20 600 m²

Taille du Jardin :
2016 (lancement) : 4 000 m²
Juin 2019 (jury) : 11 000 m²
Mars 2021 (clôture) : 15 200 m²

Mètres carrés visés pleine terre (dont cours oasis) :
2016 (lancement) : 4 000 m²
Juin 2019 (jury) : 9 750 m²
Mars 2021 (clôture) : 15 100 m²

Nombre de logements familiaux :
2016 (lancement) : 620
Juin 2019 (jury) : 500
Mars 2021 (clôture) : 400

Part du site aménagée en espaces verts et espaces publics paysagers :
2016 (lancement) : -
Juin 2019 (jury) : 45%
Mars 2021 (clôture) : 52%

Part du site consacrée au jardin :
2016 (lancement) : 11%
Juin 2019 (jury) : 30%
Mars 2021 (clôture) : 41%

400 logements au lieu de 500

Autre modification notable : la réduction de la densité. Le projet compte désormais 400 logements au lieu de 500 initialement, soit une évolution de 36 500 m² à 30 000 m² SDP. La programmation tertiaire a elle aussi baissé, passant de 13 800 m² à 10 800 m², et des failles dans les immeubles sur le front bâti rue Ordener vont être créées pour 'dégager des transparences et réduire le sentiment de densité bâtie'.

Enfin, la voie à double sens qui devait traverser le quartier et relier la rue René Clair à la rue Ordener a été transformée en vélo-rue en sens unique de circulation automobile. L'usage de la voiture sera donc permis dans le sens Nord-Sud 'afin d'éviter les effets de contournement du carrefour Ordener Poissonniers' et sera limité à 20 km/h.

Le nouveau programme de construction

- 30 000 m² SDP de logements, dont 50% logement social, 20% logement intermédiaire et 30% logement libre
- 5 600 m² SDP d'hébergement hôtelier dont un espace de co-living pour travailleurs et une auberge de jeunesse
- 21 000 m² SDP d'activités et bureaux, dont 10 800 m² de bureaux et 10 200 m² d’activités (fablab d'ICI Paris, ferme urbaine, école supérieure de design)
- 6 200 m² SDP de commerces et services dont un cinéma Mk2 de 8 salles et une salle de concert La Bellevilloise de 1 500 m²
- 2 880 m² SDP pour un groupe scolaire (maternelle et élémentaire) de 8 classes et une 'cour oasis' de 850 m² en pleine terre ouverte au public le week-end, pour soulager l'école des Poissonniers
- 4 870 m² SDP pour une École Spécialisée d’Éducation Culturelle et Artistique appelée Eseca (ie. conservatoire) dont 1 900 m² SDP environ sont voués à être mutualisés avec d’autres structures associatives ou privées, pour compenser le sous-dimensionnement du conservatoire actuel, rue Baudelique
- 1 050 m² SDP pour une crèche privée associative de 99 berceaux
- 190 m² pour un équipement jeunesse


Le projet urbain prévoit également la création d’un espace paysager et végétalisé d’environ 1,5 hectare d’un seul tenant incluant un jardin clos d’environ 8 500 m² et fermé la nuit et une partie ouverte 24h/24, notamment pour desservir le cinéma et les restaurants, ainsi que l’aménagement d’une bande maraîchère de 3 000 m² créée le long des voies ferrées.

Les habitants avaient par ailleurs insisté pour que le patrimoine soit préservé dans la forme urbaine et c'est l'option qui a été retenue au niveau des bâtiments industriels datant du début du XXe siècle, situés pour la plupart au sud du terrain. En accord avec les services de la Drac, le projet intègre la conservation, la requalification et la surélévation partielle des deux grandes halles : la Remise vapeur et la Halle de levage qui accueillera des commerces de bouches avec Terroirs d'avenir (une boulangerie, un primeur, un marché bio, une cave à vin et une épicerie) et un food court animé par les Camionneuses.

Concernant les constructions neuves, si les sous-sols et les rez-de-chaussée seront réalisés en béton, le bois et la préfabrication seront privilégiés dans la mise en œuvre pour atteindre le niveau E3C2 du label 'Bâtiments à énergie positive et réduction carbone'. De plus, les toitures seront végétalisées et destinées à assurer une récupération des eaux pluviales. Elles accueilleront également un système de tuiles photovoltaïques sur plus de 3 000 m² afin de produire 60% de l'électricité nécessaire à la consommation électrique des logements.

Un dialogue citoyen amené à se poursuivre

Loin de s'arrêter à la concertation règlementaire, Espaces Ferroviaires est sur le point de lancer des ateliers thématiques avec une autre agence que Res Publica pour travailler les usages du jardin et la programmation des commerces et services en rez-de-chaussée. Sur la rue Ordener, les opérateurs se sont déjà engagés à développer un fleuriste, une pharmacie, une librairie et un café, un réparateur de vélo, un cabinet médical, une conciergerie de quartier, une salle de sport et un équipement jeunesse géré par la Ville.

Pourtant, lors de la réunion de clôture de la concertation, la Ville et l'aménageur n'ont obtenu qu'un satisfecit en demi-teinte. Certes, une partie des habitants se réjouit de voir que le nouveau projet comprend davantage d'espaces verts que celui présenté initialement, mais d'autres trouvent que la création de 400 logements reste encore trop importante et que le projet participe à l'imperméabilisation du quartier à l'échelle de Paris Nord-Est.

C'est le cas de Jean-Marc Jacob, membre des collectifs Dépôt Chapelle et Parc Extra-Ordener, qui regrettait début avril auprès de Cadre de Ville, des "efforts cosmétiques" et un "urbanisme à frais constant" de la Ville dans un schéma de valorisation économique. Pour lui, le compte n'y est pas : "Ils proposent un cinéma Mk2 alors qu'ils viennent d'en casser un ancien sur le boulevard Ornano et que le cinéma UGC Ciné Cité 19 est vide... Ils parlent d'une nouvelle école mais ce n'est pas de la création nette, c'est en remplacement d'une autre. Ils vont construire des bâtiments de 9 étages. Or, si on tient compte du dénivelé, tout le parc sera dans le noir et à l'ombre. C'est ça un parc qualitatif ? Toujours les mêmes questions sans réponse. On nous nous fait miroiter plus de mètres carrés d'espaces verts par habitant, mais la population va augmenter et finalement le ratio risque de baisser". Jean-Marc Jacob n'excluait pas début avril la possibilité de monter les collectifs en association pour lancer des recours puisque les permis de construire définitifs ne sont toujours pas déposés.

Le dépôt du permis d'aménager et des permis de construire ainsi que les études de conception des bâtiments sont en effet prévus en 2022 en vue d'un démarrage des travaux en 2023 pour les espaces publics et en 2024 pour les premiers bâtiments. En attendant, une phase de préfiguration transitoire doit débuter début 2022 avec l'occupation du site par quelques porteurs de projets (la Bellevilloise, les Camionneuses et ICI Paris).

Une convention de PUP bientôt signée

Mais pour l'heure, le projet va être examiné au prochain Conseil de Paris. Une convention de transfert des voies et espaces communs ainsi qu'une convention de PUP (projet urbain partenarial) s'apprêtent à être signées entre la Ville et Espaces Ferroviaires de manière à ce que l'aménageur participe au financement des équipements publics rendus nécessaires par l'opération, à savoir le groupe scolaire, l'Eseca (Ecole spécialisée d'éducation culturelle et artistique) et l'équipement jeunesse. Sa participation a été évaluée à 15 205 230 € HT (soit 91% du coût total).

Un protocole foncier va également être signé pour encadrer les acquisitions par la Ville des terrains correspondants. Le montant est fixé à 1 130 €/m² de surface de plancher (valeur 2021). Il ne sera pas actualisé s’agissant de l’école et de l’équipement jeunesse ; seul le sera celui de l’Eseca.


Inès Edel-Garcia, journaliste à Cadre de Ville



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