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Le 21/12/2021 à 17h

Acheteurs publics, engagez-vous dans l’économie circulaire !

Il est fini le temps où l’achat s’intégrait dans une économie linéaire, de la naissance à la mort d’un produit (from cradle to grave en anglais). Désormais, pour réduire l’empreinte écologique de nos achats, nous sommes invités à boucler la boucle et réinjecter les produits en fin de vie pour qu’ils puissent avoir une nouvelle vie ou de nouveaux usages (cradle to cradle).

Acheteurs publics, engagez-vous dans l’économie circulaire !

Au-delà d’un geste volontaire pour la planète, la loi AGEC (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire) est venue poser des obligations pour les acheteurs publics de l’Etat et des collectivités territoriales. Cette loi complétée par un décret d’application (décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées) impose en effet que les marchés de fournitures de certains produits rentrent dans une logique d’économie circulaire, soit en intégrant des matières recyclées, soit en étant issus du réemploi ou de la réutilisation.

Cette disposition de la loi AGEC (son article 58) suscite de nombreuses interrogations et réactions. Tout d’abord, elle contient plusieurs limites. Elle ne s’applique qu’aux services de l’Etat et aux collectivités territoriales et leurs groupements. Par ailleurs, elle ne concerne que leurs marchés de fournitures, qui plus est en acquisition et non en location, et pour certains biens uniquement (liste dans le décret du 9 mars 2021). Voilà qui restreint sérieusement son champ d’application ! Pour autant, pour les acheteurs et les biens concernés, les objectifs semblent terriblement ambitieux. Ces achats doivent intégrer jusqu’à 40% de produits issus du réemploi, ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées. Et parfois l’obligation se concentre sur le seul réemploi ou la réutilisation alors que l’achat de produits recyclés est un objectif plus facilement atteignable.

Ceci implique de vrais changements culturels pour les acheteurs (et les utilisateurs) habitués à des produits neufs sans se soucier nécessairement de leur éco-conception et de leur fin de vie. En outre, pour certains produits, l’offre « circulaire » est pauvre. Qu’on se le dise, le législateur a clairement voulu utiliser le levier de la commande publique pour susciter une demande significative qui poussera les entreprises à développer une offre adaptée. Mais le démarrage pourra être compliqué car l’offre n’est pas mature sur tous les segments d’achat.

Ainsi, pour l’acheteur il faut s’assurer que l’offre existe. Il ne doit pas lancer sa consultation comme une bouteille à la mer. Cela révèle de vrais enjeux au moment de définir sa stratégie d’achat et comme souvent, la réflexion doit être alimentée par un sourcing efficace. Les acheteurs doivent adapter leur process achat, en définissant si besoin un nouvel allotissement de leurs besoins. De nouvelles filières vont émerger, parfois portées par des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Et s’il faut rajouter une complexité supplémentaire, la règlementation impose de mesurer l’atteinte des objectifs et de renvoyer les résultats auprès de l’Observatoire économique de la commande publique (OECP). En soi, cela ne paraît pas anormal mais, la plupart du temps, les systèmes d’information des acheteurs ne savent pas opérer un suivi à la ligne de prix, c’est-à-dire produit par produit de leurs marchés de fournitures. Ainsi pas de « requête presse bouton », il faut faire une comptatibilité manuelle fastidieuse. Quelques astuces allègeront cependant la charge de travail, quitte à déporter cette charge de reporting sur le fournisseur. C’est pour chacun, l’occasion de prendre une nouvelle fois conscience des sujets liés à la data.

Ainsi la loi vient porter une nouvelle charge sur les acheteurs publics. A nouveau, la commande publique est identifiée comme un levier des politiques publiques. Le parlement et le gouvernement utilisent le pouvoir normatif et créent des obligations pour déclencher de bonnes pratiques et développer des filières. C’est malheureusement parfois nécessaire et on peut constater l’impact de ces approches basées sur la contrainte. Il y a cependant des effets pervers : l’effort et l’attention sont concentrés sur l’obligation, au détriment peut-être d’autres potentiels tout aussi vertueux mais non réglementés. On ne trouve dans la loi AGEC aucune obligation ou incitation sur d’autres approches tout aussi vertueuses, par exemple : inciter au non-achat en redéployant des moyens en interne, en augmentant la durée de vie des produits, en réparant ce qui peut l’être ou, pour aller plus loin, en développant une économie de la fonctionnalité. Les efforts faits pour donner une deuxième vie aux produits acquis par les acheteurs publics ne sont pas valorisés (réparation, partage, don, revente…).

S’il faut respecter la loi, passons cependant le message que vos actions pour l’économie circulaire ne doivent pas se limiter au simple respect des obligations. Il y a tout un champ du possible à explorer. Acheteurs, faîtes preuve d’imagination et de créativité !

Jean-Christophe CAROULLE
Chef du service « Stratégie, performance et programmation » de la Direction de la commande publique mutualisée, Communauté Urbaine et Ville de Dunkerque


Pour aller plus loin, découvrez le guide « Méthodologie de mise en œuvre des obligations de l'article 58 de la loi AGEC dans les marchés publics » mis à votre disposition par France Urbaine

Thttps://franceurbaine.org/publications/methodologie-de-mise-en-oeuvre-des-obligations-de-larticle-58-de-la-loi-agec-dans-les

Propos recueillis lors de la 190eme session d’études de l’APASP

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