D’une manière générale, les critères géographiques sont prohibés dans l’attribution de contrats de la commande publique. En effet, selon les principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent attribuer un marché public sur la base d’une préférence locale ou nationale. En revanche, lorsqu’il s’agit du domaine sanitaire, les acheteurs publics doivent nécessairement choisir des prestataires situés dans des périmètres géographiques donnés.
L’article L.6211-16 du code de la santé publique prévoit que « le prélèvement d'un échantillon biologique est réalisé dans l'un des territoires de santé infrarégionaux d'implantation du laboratoire de biologie médicale ». Ces territoires de santé infrarégionaux ont été revus en 2011 par les agences régionales de santé (ARS). En Ile de France, l’ARS a par exemple établi huit territoires de santé infrarégionaux, correspondant aux huit départements composant la région. Dès lors, un laboratoire situé à Paris ne pourrait donc pas candidater à un marché public d’examen de biologie médicale lancé par un centre hospitalier du Val-de-Marne. L’article R.6211-12 du même code prévoit toutefois une dérogation en raison de « motifs de santé publique ». A ce titre, un laboratoire situé sur un territoire limitrophe pourra obtenir un marché public s’il est « plus proche de l'établissement de santé que tout autre laboratoire situé sur le même territoire de santé que l'établissement de santé ». Le Conseil d’Etat fait toutefois une application plus souple de cette disposition.
Un arrêt du Conseil d’Etat du 7 mars 2018 a permis de rappeler l’application de ces règles au travers d’un cas concret. En l’espèce, le centre hospitalier de Péronne avait lancé un appel d’offres en vue de l’externalisation des examens de biologie médicales et du transport de prélèvements vers le lieu des analyses. L’offre de la société Biologie Nord Unilabs n’a pas été retenue et elle a décidé de saisir le tribunal administratif (TA) d’Amiens d’un référé précontractuel. Ce dernier a, à sa demande, annulé la procédure d’attribution du marché. Selon lui, le marché ne pouvait être attribué à la société Oxabio car, en vertu de l’article 59 du décret du 25 mars 2016, une offre « qui méconnait la législation applicable » est irrégulière et doit être éliminée. La société Oxabio étant située dans un territoire limitrophe de l’établissement de santé, le juge administratif s’est appuyé sur la dérogation prévue par l’article R.6211-12 du code de santé publique pour vérifier si ce laboratoire était bien géographiquement plus proche que d’autres entités situées dans le même territoire que l’hôpital. Après avoir procédé à une comparaison comprenant tous les laboratoires du territoire, et donc ceux n’ayant pas candidaté à ce marché, le TA a considéré qu’il existait des laboratoires plus proches et a annulé l’attribution du marché. Le centre hospitalier de Péronne et la société Oxabio ont alors saisi le Conseil d’Etat d’un pourvoi en cassation contre cette ordonnance. Ce dernier a annulé le jugement du TA, estimant qu’il avait commis une erreur de droit en intégrant dans sa comparaison géographique des laboratoires qui n’avaient pas présenté de candidature au marché en litige.
L’APASP
> Référence : CE, 7 mars 2018, n°415675
Romain Lucazeau, directeur général de La Scet : "L'ingénierie territoriale sécurise l'investissement public"
Moins d'un tiers du Plan de relance a été décaissé, alerte la Scet. Dans des économies devenues "bottom-up", les inégalités territoriales sont devenues "un sujet micro-géographique", veut croire le directeur général de la Scet, Romain Lucazeau, qui identifie le rôle névralgique de ce qu'il nomme "la chefferie de projet" pour accompagner l'investissement dans les territoires. Proposant notamment que l'on envoie quelques hauts fonctionnaires parisiens piloter des projets sur le terrain, il présente aussi la remise en ordre de la société à laquelle il s'est attelé depuis sa nomination voici moins d'un an, et son "positionnement de marché".
Lire plusCommande publique, clause sociale et rôle des facilitateurs
Au milieu des années 2000, les dernières versions du code des marchés publics ont mis en place des outils permettant aux acheteurs de développer des actions en faveur de l’insertion sociale dans les contrats de la commande publique. La publication du code de la commande publique a réaffirmé, et même renforcé, ces dispositifs (exemple : les marchés réservés). Le cadre juridique continue encore d’évoluer et les dispositions sociales sont confortées, voire étendues, et ce notamment avec la publication en aout 2021 de la loi n° 2021-1104, dite « loi climat et résilience."
Lire plusLe verdissement des achats va-t-il révolutionner la commande publique ?
Stable pendant des décennies, le droit de la commande publique a fait l’objet de nombreuses évolutions ces dernières années, transformant ce qui n’a longtemps été considéré que comme une fonction support aux problématiques essentiellement juridiques en un véritable levier de développement économique et de transformation écologique et sociale.
Lire plus