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Le 21/06/2018 à 12h

Marchés publics et prescriptions civiles sont ils compatibles ?

Les marchés publics obéissent à des règles spécifiques issues de nombreux textes. On y retrouve notamment l’ordonnance Marchés Publics de juillet 2015, le décret Marchés Publics de mars 2016, certaines dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT) ou encore des lois telles que celle relative à la sous-traitance de 1975. Dans un souci de simplification, un grand nombre de ces textes est en train d’être regroupé au sein du futur code de la commande publique, dont la parution est prévue pour décembre 2018. Toutefois, d’autres textes, qu’on ne soupçonnait pas forcément, peuvent aussi s’appliquer dans les litiges liés aux marchés publics.

Marchés publics et prescriptions civiles sont ils compatibles ?

Vices cachés, vices rédhibitoires : une garantie supplémentaire pour les acheteurs publics

Après la fin d’un marché public, ou même après l’échéance de la garantie décennale, une personne publique dispose encore de moyens pour engager, au besoin, la responsabilité de son cocontractant. En effet, les marchés publics sont financés par les deniers publics et il semble essentiel que ces contrats bénéficient d’une protection maximale.

A ce titre, le Conseil d’Etat se montre tout à fait enclin à appliquer aux contrats publics certaines garanties issues du code civil. C’est notamment le cas de l’article 1641 du code civil qui dispose que "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus". Dans un tel cas, l’acheteur dispose d’un délai de deux ans, à compter de la découverte des vices, pour engager la responsabilité du vendeur.

Dans une décision du 27 mars 2017, la Haute juridiction administrative s’est fondée sur la garantie des vices cachés pour indemniser la personne publique des préjudices subis suite à la défectuosité d’une machine. En effet, la commune de Pointe-à-Pitre avait conclu un marché de fournitures et de services pour l’achat d’une balayeuse mais, suite à de nombreuses pannes, elle l’avait restituée au vendeur. Elle avait ensuite saisi le juge administratif d’une demande de dommage et intérêts au titre du préjudice subi par les défauts cachés de la balayeuse. En connaissance de cause, la personne publique n’aurait pas acheté cette machine, et pas à ce prix. Compte tenu de ces vices rédhibitoires, le Conseil d’Etat a validé l’indemnisation de la commune, à hauteur de 100.000 euros.

Oui pour la prescription civile, non pour la prescription commerciale

Toutefois, toutes les garanties issues du droit privé ne trouvent pas à s’appliquer aux marchés publics. C’est notamment ce qui ressort d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 7 juin 2018. Dans cette affaire, le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (Sytral) avait conclu plusieurs marchés publics, pour l’achat d’autobus, avec la société Iveco France. Suite à des départs d’incendie affectant les véhicules de son parc d’autobus, le Sytral avait demandé une expertise au juge administratif. Pour sa défense, la société titulaire du contrat soutenait que le tribunal administratif ne pouvait ordonner une expertise en raison de la prescription prévue par l’article L. 110-4 du code du commerce. Cette disposition prévoit une prescription de cinq ans pour toutes les obligations nées à l’occasion de commerce. Toujours selon la société d’autobus, ce même article faisait également obstacle à la garantie des vices cachés puisque le délai d’action de deux ans était "enserré" dans le délai de droit commun de l’article du code du commerce.
Dans les faits, les marchés avaient été conclus entre 2005 et 2010 et la requête n’avait été introduite qu’en 2017. Le Conseil d’Etat a toutefois rejeté cet argument, rappelant que l’article L. 110-4 du code du commerce n’était pas applicable aux obligations nées à l’occasion de marchés publics. La personne publique ayant eu connaissance des vices en 2017, suite à un premier rapport d’expertise, la responsabilité de la société pouvait bien être engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés.

L’Apasp

Référence :
CE, 27 mars 2017, n°395442
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=209763&fonds=DCE&item=1
CE, 7 juin 2018, n°416535
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=213341&fonds=DCE&item=1

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