La question des pénalités dans les marchés publics est d’une actualité particulièrement sensible. Elle fait en effet l’objet non seulement de nombreux contentieux mais aussi de précontentieux, par exemple devant le médiateur des entreprises qui est de plus en plus saisi par les opérateurs économiques dénonçant le caractère souvent disproportionné des clauses pénales figurant dans leurs marchés.
Si, depuis 2008, le juge administratif n’hésite pas à moduler le montant de pénalités qu’il juge excessif, il vient récemment de nuancer sa position, restreignant par la même ses possibilités de modulation.
Le cheminement du juge pour reconnaître la possibilité qu’il module les pénalités dans les marchés publics a été long. Dès 1944 ainsi, il ne s’est pas reconnu compétent pour exercer une telle modulation – CE ; 14 juin 1944, SEKOULOUNOS – ; cet arrêt ayant également affirmé que les pénalités n’étaient pas liées au préjudice réellement subi par l’administration – principe toujours actuel – et que les pénalités pouvaient être supérieures au montant du marché – solution moins actuelle du coup –.
Et une jurisprudence constante refusait que le juge administratif applique l’article 1152 du code civil – devenu article 1231-5 – qui donne justement la possibilité au juge « même d’office de modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».V. CE, 24 novembre 2006, Sté Group 4 Falck sécurité.
Deux Cours Administratives d’Appel avaient tenté un revirement de jurisprudence en faveur d’une modulation des pénalités par le juge, le Conseil d’Etat ne les ayant cependant pas suivies dans cette voie – CAA Paris, 23 juin 2006, SARL Serbois; CAA Lyon, 27 décembre 2007, Sté nouvelle des établissements Verger et Delporte –.
Il faudra attendre 2008 pour que le revirement de jurisprudence ainsi initié soit enfin adoubé par le Conseil d’Etat.
« Considérant par ailleurs qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes résultant de l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire au regard du montant du marché ». C’est par cette décision du 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, que le Conseil d’Etat a fini par appliquer les dispositions de l’article 1152 du Code Civil. Trois conséquences essentielles peuvent être tirées de ce revirement :
1- Il reconnait une fois de plus comme source du droit des contrats publics un texte applicable aux contrats de droit privé
2- Il n’hésite pas à intervenir au sein des relations contractuelles et à se mêler du contenu de l’accord souscrit entre les parties
3- Il se fait le seul juge de l’équité contractuelle dans ce domaine spécifique des clauses pénales. A noter qu’en l’espèce les pénalités atteignaient 56,2% du marché…ce que le Conseil d’Etat a effectivement jugé manifestement excessif.
Mais dans un arrêt du 19 juillet 2017, le Conseil d’état a restreint les effets de cette jurisprudence en faisant de la modulation une exception : « si le juge du contrat doit en principe appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations », ces derniers termes étant un ajout à la jurisprudence OPHLM de Puteaux. Et il appartient au titulaire du marché de fournir au juge tous éléments de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif, ces éléments pouvant provenir de pratiques observées pour des marchés comparables ou des caractéristiques particulières du marché en cause. Le juge fait donc davantage reposer la charge de l’argumentation sur le cocontractant de l’administration afin de se fonder sa propre opinion sur le litige dont il est saisi.
Enfin, après avoir réaffirmé le principe datant de 1944 selon lequel les pénalités de retard ne sont pas liées au préjudice réellement subi par l’acheteur, il va plus loin en affirmant que les pénalités sont dues même en l’absence de préjudice ou si leur montant s’avère supérieur au préjudice subi.
Cette toute dernière évolution jurisprudentielle, en ouvrant encore le champ des pénalités dans les marchés publics tout en limitant les possibilités juridictionnelles de les diminuer, ne va certainement pas rassurer des opérateurs économiques qui dénoncent régulièrement l’insécurité pour eux susceptible de résulter de la mise en œuvre de clauses pénales disproportionnées au regard du montant de leurs marchés.
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat associé
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