On sait que, depuis le premier juillet 2017, la plupart des autorisations d’occupation du domaine public doivent être précédées d’un avis de publicité, et donc d’une procédure de mise en concurrence aussi allégée qu’elle soit.
Et, dès lors que le texte ne le prévoit pas, on pouvait penser que les mêmes autorisations affectant cette fois le domaine privé des collectivités publiques n’étaient pas concernées par ces obligations. Non seulement la jurisprudence européenne permet d’en douter, mais la nouvelle définition du marché public de travaux étend considérablement les risques de requalification de bon nombre de ces autorisations en de tels marchés.
L’arrêt Promoimpresa de la CJUE - 14 juillet 2016, aff C-458/14 et C-67/15- concernait d’une part une concession domaniale sur le lac de Garde en Italie, et d ‘autre part des concessions portant sur le domaine public maritime de Sardaigne, les deux souscrites à des fins touristico-récréatives. En faisant référence à l’article 12 de la directive services 2006/123/CE du 12 décembre 2006, la Cour précise que les concessions octroyées par les autorités publiques sur le domaine maritime et lacustre afin d’abriter les activités en cause doivent être qualifiées d’autorisations, et être en conséquence précédées d’une procédure de sélection entre les candidats potentiels s’il s’agit d’autorisations limitées « en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables ».
De tels termes peuvent apparaître en premier lecture quelque peu abscons. Par définition, le nombre d’autorisations susceptible d’être octroyé sur le domaine des collectivités publiques est limité, dès lors qu’il repose lui-même sur un espace territorial qui n’est pas sans fin. S’agissant en l’espèce de zones domaniales situées au bord du lac de Garde et des cotes de Sardaigne, on pouvait effectivement prétendre que du fait de leur forte attractivité et de leur impact touristique local, elles puissent être limitées dans leurs occupations à des fins commerciales. Tel ne sera sans doute pas le cas partout, ce qui appellera une analyse au cas par cas notamment dans les zones rurales où la raréfaction- et donc l’intérêt potentiel de plusieurs opérateurs - des zones d’occupation devra être démontrée pour justifier une procédure de publicité et de concurrence. Les dépendances domaniales des collectivités publiques concernées par cette évolution ne seront peut-être pas si nombreuses que cela, et peut être faudra-t-il éviter des contraintes finalement inutiles au vu de la réalité de la concurrence locale voire nationale ou transfrontalière selon les cas.
La question est néanmoins sensible dès lors que la jurisprudence européenne ne distingue pas le domaine public et privé des collectivités publiques – d’où les occupations domaniales susvisées dans les zones rurales où elles sont le plus souvent privées -, en cohérence avec le droit européen qui ne fait effectivement pas une telle distinction. De son côté, l’ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques n’a instauré qu’une procédure de sélection préalable pour les occupations du domaine public...alors que, paradoxalement, le rapport au président de la République relatif à cette ordonnance- JO du 20 avril 2017, texte n°7- a fait état d’une telle procédure pour certains titres d’occupation du domaine public mais aussi privé...ce qui pourrait augurer d’une évolution des textes sur ce point.
Les marchés publics de travaux ne sont donc plus définis via le critère de la maitrise d’ouvrage mais celui, plus difficile à cerner, « d’ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception » -article 5 de l’ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015. Des contrats au sein desquels non-pas la collectivité publique mais le titulaire est maitre d’ouvrage pourront ainsi entrer dans le giron des marchés publics de travaux, et donc être précédés de procédures de publicité et de mise en concurrence alors qu’ils y échappaient jusqu’à présent. Et sont donc concernés des contrats relatifs à des opérations portant sur le domaine privé des collectivités publiques.
On peut citer l’exemple d’un bail emphytéotique issu de l’article L.451-1 du code rural, qui permet à un opérateur économique d ‘occuper une parcelle du domaine privé avec des droits réels afin de pouvoir y construire et exploiter un équipement correspondant à ses activités. S’agissant d’une occupation domaniale, certes spécifique notamment du fait de la présence de droits réels comme le droit d’hypothèque, pourra d’abord se poser la question sus évoquée de la mise en concurrence préalable des opérateurs potentiellement intéressés, si tant est que les terrains en cause fassent l’objet de caractéristiques et d’une rareté susceptibles d’attirer plusieurs candidatures. Mais un tel bail, même s’il porte sur un projet d’initiative et d’intérêt privés, encourra également le risque d’une requalification en marché public de travaux. En effet, même si elle n’est pas maitre d’ouvrage de ces derniers, la collectivité locale propriétaire du terrain pourra être tentée de peser sur leur conception et leur réalisation. Elle pourra par exemple faire état de demandes spécifiques sur le volet environnemental du projet, sur son insertion dans le paysage ou encore sur les aspects sociaux du chantier. Il convient cependant de nuancer un tel risque. D’une part, la traçabilité d’une telle influence de la collectivité ne sera peut-être pas évidente à établir, sauf à ce que des PV de réunion fassent état non seulement de la présence régulière de ses représentants mais aussi de leurs demandes concernant la conception et la réalisation de l’ouvrage, ou que le cahier des charges relatif à ce dernier réponde manifestement et en bonne partie à leurs besoins et exigences. D’autre part, le risque contentieux apparait plutôt faible sur ce point, notamment de la part du contrôle de légalité surtout si le projet en question est pourvoyeur de développement économique local et donc d’emplois...
C’est malgré tout à une véritable prise en tenaille à laquelle sont exposées les occupations sur le domaine privé des collectivités publiques, preuve de l’influence croissante en dehors même de leur sphère première d’application des principes fondateurs de la commande publique tant interne qu’européenne et en premier lieu de la transparence et de l’égalité de traitement.
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat Associé
Président de l'APASP
La Société du Grand Paris référence 518 architectes et paysagistes pour ses projets autour des gares du GPE
En commun avec Grand Paris Aménagement, après avoir sélectionné un panel d'opérateurs aptes à porter des projets immobiliers en co-promotion, la SGP présente le vivier d'architectes et paysagistes dans lequel elle et GPA puiseront au gré de leurs opérations. Sur les 700 candidats, 518 ont été retenus, dont une grande majorité d'agences franciliennes. La Société du Grand Paris a dévoilé, mardi 23 mai 2023, la liste des 518 architectes et paysagistes retenus, en commun avec Grand Paris Aménagement, dans le cadre de l'AMI lancé en juin 2022. Officiellement référencées, ces agences seront appelées, sur invitation, à répondre aux consultations de maîtrise d'œuvre lancées par la SGP ou GPA, dans le cadre des projets urbains et immobiliers déployés autour des 68 gares du Grand Paris Express. Sur les 518 agences, on compte 455 architectes, soit 88% du total, 46 paysagistes (9%) et 17 architectes & paysagistes (3%). Après que GPA a assuré en 2022 la sélection d'un pool d'opérateurs privés et sociaux, c'était au tour de la SGP de piloter la recherche de maîtres d'œuvre. [GOES]-Peron Architectes Urbanistes, 2Portzamparc, A+Architecture... Classée par ordre alphabétique, la liste compte aussi bien des agences confirmées qu'émergentes. Télécharger la liste complète des agences retenues par la SGP et GPA.
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