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Le 15/11/2018 à 19h

Le suivi des contrats : tout est à faire

Les acheteurs publics consacrent beaucoup de temps, souvent accompagnés d’assistants à maitrise d’ouvrage, à la préparation et la passation de leurs contrats; surtout s’il s’agit de procédures de dialogue et de négociations nécessitant durée, organisation et compétences.
Ils ont par contre tendance à plus ou moins négliger le suivi de leur exécution, ce qui est régulièrement dénoncé par les rapports des chambres régionales des comptes issus de leurs contrôles de gestion auprès des collectivités publiques. Pourtant, tant en termes de maitrise des projets que de mise en œuvre des stipulations contractuelles, il apparait essentiel qu’une prise de conscience ait lieu quant à l’importance d’une telle phase de suivi.

Le suivi des contrats : tout est à faire

Le contract management, fonction d’avenir

Le suivi d’exécution des contrats revêt une grande importance dans certains pays, notamment anglo saxons; les pouvoirs adjudicateurs préférant d’ailleurs le plus souvent l’externaliser que le faire eux-mêmes.

L’idée est, comme souvent, de s’inspirer des modes de gouvernance du secteur privé, qui consacre culturellement du temps et des moyens pour assurer un pilotage efficace du suivi de l’exécution de ses contrats.

Les contrats de la commande publique ne sont pas encore assez concernés par l’importance d’une telle phase, ce qui entraine des difficultés pour les acheteurs de bien maîtriser leur exécution ainsi que le comportement de leurs titulaires. Si l’on prend l’exemple des concessions, il suffit de se plonger dans les rapports de la Cour des Comptes qui leur ont été consacrés dans différents secteurs ces dernières années pour découvrir à quel point leurs critiques sur le manque de contrôle et de suivi de la part des acheteurs est un phénomène régulièrement constaté et dénoncé.

Mise en place de comités de suivi, désignation d’une personne dédiée à une telle tâche, choix d’une AMO qui aura pour mission de demander régulièrement des comptes, sur pièces et sur place, au titulaire du contrat...les possibilités sont diverses et peuvent se compléter et/ou se cumuler en fonction des situations et des collectivités. S’agissant de l’externalisation de ce type d’accompagnement, un certain nombre d’entre elles hésitent encore sur le cout financier qu’elle est susceptible de représenter, sans tenir compte des économies sans doute bien plus considérables qu’elle peut engendrer.

Au-delà de ces questions d’organisation et de gouvernance, la mise en action de formules contractuelles adaptées pourra s ‘avérer fort utile. On pense avant tout ici à la clause de réexamen, véritable respiration dans l’exécution du contrat qui permet aux parties de se rencontrer et de discuter d’éventuelles évolutions susceptibles d’affecter ce dernier, par exemple du fait d’une évolution de la règlementation affectant ses conditions techniques et financières. De telles clauses- pour lesquelles il convient de prévoir les conséquences d’un possible échec- sont encore trop peu utilisées dans les contrats publics, alors que les clauses dites de « hardship » sont monnaie courante dans les contrats privés.

Un suivi multiple

Suivre l’exécution des marchés publics, c’est tout d’abord se concentrer sur leur volet financier, s’agissant notamment des avances et autres éventuels acomptes éventuellement octroyés. Il va de soi qu’un tel suivi a une importance capitale pour les entreprises et notamment les pme-type, dont la trésorerie est souvent dépendante de ces avances et acomptes...sans même évoquer la question des délais de paiement, pour lesquels les dérapages encore trop régulièrement constatés- voir les saisines sans cesse croissantes du médiateur des entreprises à ce sujet- sont souvent davantage dus à des problèmes d’organisation interne qu’à des difficultés de trésorerie...

Marchés à reconduction, accords-cadres à bons de commande ou suivis de marchés subséquents: la encore un regard rigoureux sera nécessaire afin d’enclencher dans le respect des contrats les évènements et phases correspondant à chacun d’entre eux. Le suivi de l’exécution concerne aussi le renouvellement des procédures - de Mapa, d’appel d’offres... - au regard de la date d’extinction des marchés; des procédures lancées trop tard, comme cela arrive encore régulièrement, entrainant la signature d’avenants de prolongation - voire de conventions de gestion ou de fourniture de prestations provisoires si la date de fin du marché a été dépassée- dont la légalité peut être contestable.
Quant au suivi du planning d’exécution, tout particulièrement en travaux mais aussi en fournitures et services, il permet d’éviter ou de contenir des dérapages temporels toujours dommageables à la bonne réalisation des prestations.

Sans être totalement exhaustif, le suivi de l’exécution des marchés concerne aussi celui de ses éventuelles conditions d’exécution, qui touchent essentiellement les domaines environnemental et social, le déclenchement et la mise en œuvre des pénalités, les engagements de performances, surtout lorsque la rémunération du titulaire en dépend, les phases délicates de livraison pour les produits et services et de réception pour les travaux, ou encore leurs procédures de résiliation anticipée . S’agissant de ces dernières, que ce soit pour motif d’intérêt général ou pour faute, leurs conséquences financières sont rarement développées au sein des contrats alors que c’est précisément sur ce point évidemment sensible que des contentieux se nourrissent de ce manque d’anticipation.

Et puis, ainsi que cela a été abordé avec les clauses de réexamen, la bonne gestion de l’exécution d’un contrat concerne ses évolutions dans le temps, et donc les avenants appelés à les traduire. Là également, les rapports récurrents des magistrats financiers mais aussi les décisions des juridictions pénales pour favoritisme montrent que la légalité n’est pas toujours respectée en la matière. Pour rappel, et hors cas spécifiques notamment pour circonstances imprévisibles, un avenant ne saurait modifier substantiellement le contrat d’origine, même s’il existe une relative souplesse en dessous de certains seuils- 10% en cumul pour les marchés de fournitures et services et 15% pour les travaux-.

Avec l’avènement de l’open data, qui oblige depuis le premier octobre dernier les acheteurs à rendre publiques toutes les étapes de passation mais aussi d’exécution de leurs marchés et concessions, une gestion raisonnable et raisonnée de leurs avenants apparait être une ardente obligation.

Jean-Marc PEYRICAL

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