Le prix dans les marchés publics est un sujet délicat puisqu’il engage les deniers publics. Si auparavant les acheteurs devaient choisir « le moins-disant », autrement dit le candidat qui proposait les prix les plus bas, leur choix doit désormais se porter sur « le mieux-disant », celui qui propose le meilleur rapport qualité/prix. Toutefois, si l’acheteur venait à choisir un candidat qui a proposé un prix erroné, quels seraient les moyens d’actions contre un contrat qui engage les deniers publics ? Le Conseil d’Etat s’est récemment prononcé sur la question.
Dans un arrêt du 9 novembre 2018, la Haute juridiction administrative a effectivement tranché un litige relatif à la légalité d’un marché dont les prix annoncés par le candidat étaient faussés.
Retour sur les faits : la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) avait conclu avec la société Cerba un marché relatif à la fourniture de kits de dépistage du cancer colorectal et aux analyses des résultats de ces tests. Cinq sociétés dont les offres n’ont pas été retenues ont alors saisi le tribunal administratif (TA) de Paris d’une demande d’annulation de ce marché. Selon elles, ce marché était illégal car la société choisie avait proposé des prix hors taxes alors que la TVA était applicable. Si le TA a rejeté leur demande, la cour administrative d’appel (CAA) y a fait droit, estimant que l’absence de TVA avait vicié le consentement de la CNAM.
Pour rappel, le vice du consentement fait partie des rares justifications permettant au juge d’annuler un marché public.
Le Conseil d’Etat n’a toutefois pas suivi le raisonnement de la CAA. Bien qu’il ait confirmé que les prix étaient faussés car exemptés à tort de TVA, il a estimé qu’une telle erreur ne pouvait être considérée comme un vice du consentement. Dès lors, les juges d’appel ne pouvaient valablement annuler ce marché. Les juges de cassation ont donc annulé l’arrêt de la CAA.
Cette décision est importante car elle admet qu’un contrat financé par de l’argent public poursuive son exécution, alors même que l’erreur de prix a engendré un dépassement du montant des crédits budgétaires alloués. Notons que dans cette affaire, l’objet du contrat a nécessairement fait pencher la balance, le cancer colorectal étant l’un des plus meurtriers en France. L’équilibre entre intérêt général, stabilité des relations contractuelles et gestion des deniers publics n’est donc pas une mince affaire.
L’Apasp
Référence : CE, 9 novembre 2018, n°420654
http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinternet/getdoc.asp?id=214712&fonds=DCE&item=1
Achat et commande publics : on continue de vivre une époque formidable
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