Afin d’évaluer la capacité financière des opérateurs privés candidats à un marché public, l’acheteur peut demander des informations relatives au chiffre d’affaires. Toutefois, ces pratiques sont encadrées.
Tout d’abord, l’article 44 du décret marchés publics, désormais codifié à l’article R-2142-6 du code de la commande publique, permet à la personne publique de fixer un chiffre d’affaires minimal. Toutefois, pour ne pas restreindre la concurrence, l’article R-2142-7 du même code limite cette possibilité. Il dispose en effet que « Le chiffre d’affaires minimal exigé ne peut être supérieur à deux fois le montant estimé du marché ou du lot, sauf justifications liées à son objet ou à ses conditions d’exécution ». Entre outre, le chiffre d’affaire de la société est un élément qui ne peut être pris en compte qu’au stade de la candidature. C’est ce que le Conseil d’Etat a jugé dans un arrêt du 13 juin 2016.
Retour sur les faits : la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie avait rejeté la candidature de la société Latitudes, faute de ne pas respecter les exigences requises concernant le chiffre d'affaires. En effet, le contrat avait été attribué pour 84.504 euros alors que les documents de la consultation imposaient un "chiffre d'affaires moyen au cours des trois dernières années d'exercice supérieur ou égal à 400.000 euros TTC". Le chiffre d'affaires requis était donc largement supérieur au montant pouvant être exigé pour un tel marché. De plus, la Dreal avait rejeté l’offre de la société pour ce motif, et non pas sa candidature. Le Conseil d’Etat a rappelé à ce titre que "des critères portant sur les capacités générales de l'entreprise [ne pouvaient être demandés] qu'au stade de l'examen des candidatures". Il a donc annulé la procédure en litige.
Plus récemment, la haute juridiction administrative s’est également prononcée sur la possibilité de faire du chiffre d’affaire prévisionnel un critère de sélection des offres. Dans cette affaire du 8 avril 2019, le Conseil devait examiner une procédure de passation d’une concession pour l’exploitation d’une plage. Candidate évincée, la société Bijou Plage avait saisi le tribunal administratif d’un référé précontractuel. A sa demande, le juge avait annulé la procédure en cause. La commune de Cannes s’était alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat. Selon le tribunal administratif, le sous-critère basé sur le chiffre d’affaires prévisionnel était irrégulier. Le Conseil d’État a confirmé cette interprétation, précisant qu’un 'tel critère, qui repose sur les seules déclarations des soumissionnaires, sans engagement contractuel de leur part et sans possibilité pour la commune d’en contrôler l’exactitude, n’est pas de nature à permettre la sélection de la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante'. Il a toutefois refusé d’annuler la procédure pour ce motif, estimant que ce sous-critère n’était pas, dans cette affaire, susceptible de léser la société Bijou Plage.
L’APASP
Références :
CE, 8 avril 2019, n°425373
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-04-08/425373
CE, 13 juin 2016, n°396403
http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2016-06-13/396403
Achat et commande publics : on continue de vivre une époque formidable
Les années passent et se ressemblent… cette nouvelle année qui s’ouvre pour la commande publique s’accompagne, comme toujours, d’interrogations sur ce qui attend les acheteurs et la sauce à laquelle ils vont pouvoir être mangés. Les deux décrets 2024-1217 et 2024- 1251 publiés les 28 et 30 décembre derniers ont à la fois clôturé l’année passée et donné le la pour celle à venir : l’évolution des textes est et va rester constante, un peu comme un pendule de Foucault et son éternel mouvement. Bien sûr, dès lors que ces évolutions sont motivées par des intentions louables, comme celle de la simplification des règles, elles ne sont pas contestables en soi ; même si on a ici et là la désagréable impression qu’on a de plus en plus tendance à s’éloigner de l’acte d’achat proprement dit, avec ses objectifs d’efficacité et de bonne gestion de l’argent public, au bénéfice d’autres objectifs dont celui de la protection de l’environnement et du développement durable.
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L’année 2024 est très certainement prometteur pour l’achat public. Grace à des formations initiales et continues qui ne cessent de se développer, la professionnalisation des acheteurs est réellement en marche. Ayant pris pleinement conscience de son impact économique et par la même social - l’achat public de travaux fournitures et services représentant en moyenne 20% de leur budget- de plus en plus de structures publiques et para publiques ont mis en place de véritables services dédiés à ce qu’il convient de considérer comme un puissant levier des politiques publiques. Gageons que cette année verra se prolonger des réflexions et débats déjà entamés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur l’achat public, la cybercriminalité et la protection des données personnelles dans l’acte d’achat, l’extension de la location au détriment de l’achat proprement dit, l’instrumentalisation des ces quelques dizaines de milliards d’euros annuels au service de différentes politiques dont la souveraineté nationale et -ce n’est à priori pas antinomique- la protection de la planète…
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La commande publique, qu’elle émane des services de l’Etat ou des collectivités, représente des enjeux économiques considérables et ne peut subir aucune inégalité de traitement.
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