« Les acheteurs publics ont le droit de faire de bonnes affaires ». Cette constatation d’un rapporteur public au Conseil d’Etat dans le cadre d‘une récente affaire sur les Offres Anormalement Basses (OAB) en dit long sur toutes les difficultés et les paradoxes qui caractérisent de telles offres, les acheteurs devant osciller en permanence entre respect de la concurrence et bonne gestion de l’argent public ; sachant que l’OAB est particulièrement délicate à définir et à cadrer.
La jurisprudence relative à l’OAB fait officiellement partie de celles qui ont été intégrées au sein du Code de la Commande Publique.
Cette intégration révèle toutes les limites de la transposition de la jurisprudence dans les textes, dès lors qu’elle laisse une grande marge de décision - et d’indécision -aux acheteurs et qu’elle sera appelée à être sans cesse précisée par d’autres jugements et arrêts des juridictions administratives.
Les OAB étaient déjà présentes dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret d’application du 25 mars 2016. Il y était notamment précisé que, d’une part, les acheteurs ne pouvaient rejeter une telle offre avant d’avoir demandé des explications à l’opérateur économique ; et que, d’autre part, divers éléments- mode de fabrication des produits, solution technique adoptée, réglementation en matière environnementale et sociale...- pouvaient être pris en considération pour justifier le prix ou les coûts proposés.
Le code de la commande publique n’apporte pas beaucoup de compléments à ces dispositions. Il donne une définition de l’OAB dans l’article L.2152-5, selon lequel il s’agit d’une « offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ». De même, l’article indique que « l’acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses » ; ce qui est une manière de les responsabiliser dans un domaine où toute détection se révèle justement particulièrement délicate. Pour le reste, la rédaction est quasi identique à ce qui existait déjà. L’article R.2152-3 reprend ainsi celle de l’article 60 du décret du 25 mars 2016, notamment s’agissant de la liste des éléments pouvant être utilisés pour justifier le niveau du prix de l’offre.
Les acheteurs qui pensaient trouver davantage de détails sur la manière d’identifier et de conserver ou rejeter les OAB dans le nouveau code en sont donc pour leurs frais. Cela signifie au moins trois choses :
1 - Contrairement à ce qui est souvent affirmé, ce n’est pas dans ce nouveau texte que la jurisprudence sur les OAB a été pour partie transposée mais dans l’ordonnance de 2015 et le décret de 2016 ;
2 - Cette transposition est limitée, ne serait-ce que sur les méthodes à mettre en œuvre par les acheteurs, ce qui leur octroie une vraie liberté-responsabilité ;
3 - La jurisprudence n’a pas fini, comme elle vient de le faire récemment, d’intervenir dans un domaine à la fois aussi sensible et insaisissable.
On sait ainsi que l’acheteur pour détecter une OAB ne peut se contenter de comparer le prix de l’offre en cause et celui des autres concurrents : « Qu’en se fondant ainsi, pour estimer que l’offre de l’attributaire était anormalement basse, sur le seul écart de prix avec l’offre concurrente, sans rechercher si le prix en cause était manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, le juge des référés a commis une erreur de droit »-CE, 29 mai 2013, Ministère de l’intérieur c/société Artemis, req 366606.
Et ce n’est pas parce que l’écart de prix entre les offres- en l’espèce 30%- est important qu’il justifie à lui seul la présence d’une OAB-CE, 30 mars 2017, Région Réunion, req 406224. Il en est de même sur l’absence d’une marge bénéficiaire, surtout si l’opérateur prouve qu’il a choisi de ne faire aucun bénéfice sur l’achat de matériel et que son prix correspond exactement à ce prix d’achat-CE, 22 janvier 2018, Commune de Vitry le Francois, req 414860.
D’une part, les éléments fournis pour justifier l’OAB peuvent aussi permettre d’apprécier la régularité d’une offre, s’agissant en l’espèce des modalités salariales et sociales contrevenant aux minimes fixés dans la convention collective applicable-CE, 23 novembre 2018, Région Réunion, req 422143. Ils peuvent ainsi conduire l’acheteur à déclarer l’offre non pas trop basse mais irrégulière, en l’espèce méconnaissant la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale dans le sens de l’article L.2152-2 du code de la commande publique.
D’autre part, une OAB doit s’apprécier de manière globale et non pas au travers d’une de ses prestations seulement-CE, 13 mars 2019, Sté SEPUR C/CA du Grand Sénonais, req 425191. Il s’agissait en l’espèce d’un appel d’offres relatif à un marché de collecte et d’évacuation d’ordures ménagères, pour lequel un candidat proposait de ne pas facturer les prestations de collecte supplémentaire des ordures ménagères produites par certains gros producteurs. Pour le Conseil d’Etat, « l’existence d’un prix paraissant anormalement bas au sein de l’offre d’un candidat, pour l’une seulement des prestations faisant l’objet du marché, n’implique pas à elle seule le rejet de son offre comme anormalement basse, y compris lorsque cette prestation fait l’objet d’un mode de rémunération différent ou d’une sous pondération spécifique au sein du critère prix ».
Nul doute que les mois à venir verront naître de nouvelles décisions, dans un domaine qui, même en partie codifié, est loin d’être cadré.
Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l'APASP, Association Pour l'Achat dans les Services Publics
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