La question de la notation dans les marchés publics continue d’agiter le Landerneau des acheteurs publics et des opérateurs économiques.
De la possibilité ou non de communiquer la méthode de notation au candidat évincé qui la demande au degré de contrôle du juge en cas de contentieux, les interrogations restent nombreuses mais heureusement plus ou moins éclairées par la jurisprudence.
S’agissant tout d’abord de la communication de la méthode de notation, la cause est juridiquement entendue : l’acheteur public n’est pas obligé de le faire, même en cas de demande expresse et officielle d’un candidat non retenu- CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio-. En pratique, la frontière entre la communication de la motivation du choix et des raisons ayant conduit au classement final des offres et la celle de la méthode de calcul utilisée pour la mise en œuvre des critères et sous critères utilisés n’est pas toujours aisée à définir. Certains acheteurs, dans un souci louable de transparence, donnent d’ailleurs aux candidats qui le demandent- et même quelquefois de manière automatique- un maximum d’éléments d’explication qui peuvent donc aller jusqu’à leur « cuisine interne » s’agissant de leurs procédés utilisés-leurs formules mathématiques par exemple- pour évaluer et classer les opérateurs. D’autres au contraire estiment cette transparence contraire à la concurrence, dès lors qu’elle donnerait à ces derniers des éléments dont ils pourraient se servir dans le cadre de leur réponse à de futures consultations lancées par le même acheteur.
Le juge se fait en revanche plus rigoureux sur certaines façons de noter, bien que les irrégularités détectées ne conduisent pas toujours à des décisions d’annulation.
Dans un arrêt du 24 mai 2017, Société Techno Logistiquec/Ministère de La Défense, le Conseil d’Etat a rappelé quelques fondamentaux en la matière. Tout d’abord, l’acheteur public définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre des critères qu’il a définis et rendus publics. Ensuite, cette méthode est irrégulière si, en méconnaissance des principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures, elle est de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération en ayant pour effet d’éliminer l’offre économiquement la plus avantageuse. Enfin, l’acheteur public n’est pas tenu de rendre publique, dans l’AAPC ou les documents de consultation, sa méthode de notation.
Après ce rappel, le juge a en l’espèce sanctionné la notation opérée par l’acheteur, qui consistait sur le critère prix à donner une note de 20 sur 20 au moins disant et de 0 sur 20 au plus cher. Au vu de la pondération de 60% donnée à ce critère prix, cette notation consistait à neutraliser les deux autres critères- valeur technique 30% et politique sociale 10%- et à éliminer automatiquement l’offre la plus onéreuse quand bien même elle aurait obtenu de bonnes notes sur les autres critères. Cette approche du Conseil d’Etat rappelle celle adoptée concernant l’attribution de notes négatives-CE, 18 décembre 2012, Département de la Guadeloupe.
A noter que le Conseil d’Etat n’a pas pour autant annulé la procédure, le requérant ayant obtenu une note inférieure sur tous les critères par rapport à l’attributaire et n’ayant pas été lésé par cette méthode de notation dès lors qu’il ne pouvait se voir attribuer le marché. Paradoxalement, on peut donc se trouver en présence d’une méthode de notation irrégulière sans pour autant que la régularité de la passation du marché n’en soit affectée...
Dans un arrêt plus récent du 8 février 2019, Préfet de la région IDF c/SIAAP, le Conseil d’Etat a tout d’abord noté que, si un critère relatif à « l’organisation, la gouvernance et la maitrise du service « était décomposé en trois sous critères, ces derniers étaient chacun notés sur 5 et n’avaient donc pas fait l’objet d’une pondération susceptible d’exercer une influence sur la sélection des offres. Quant à la méthode de notation utilisée par l’acheteur, les quelques incohérences relevées entre les analyses et les notes attribuées ont été qualifiées de marginales par le juge, et n’ont donc pas privé de leur portée les critères de sélection ni neutralisé leur pondération. La encore, on peut s’interroger sur la frontière entre ce qui est marginal et ce qui est principal...
S’agissant des sous critères, le Conseil d’Etat n’hésite pas cependant à poser des limites. Dans un arrêt du 9 novembre 2018, société Savoie, il a ainsi sanctionné un sous critère relatif au montant des pénalités à infliger en cas de retard dans l’exécution des prestations, sous critère qui ne permettait pas « de mesurer la capacité technique des entreprises candidates à respecter les délais d’exécution du marché ni d’évaluer la qualité technique de leur offre ».
De telles jurisprudences illustrent bien le coté quelque peu équilibriste du contrôle juridictionnel ainsi opéré, contrôle qui est relativement poussé tout en laissant une marge de manœuvre certaine aux acheteurs. A eux d’être à la fois raisonnables et professionnels dans l’établissement et la mise en œuvre de leurs critères et méthodes de notation, qui représentent le cœur de la passation de leurs marchés et du choix de leurs attributaires.
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat associé, Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP, Association Pour l’Achat dans les Services Publics
Bordeaux Métropole : "L'enjeu de ce mandat est la construction d'une culture commune"
Christine Bost, la vice-présidente chargée de l'aménagement urbain et naturel et du foncier opérationnel à Bordeaux Métropole, présidente directrice générale de la Fab et maire d'Eysines.
Lire plus2021, année de la maturité pour la commande publique ?
A chaque fin d’année - ou plutôt au tout début d’une nouvelle année - il est coutume de faire un bilan ainsi qu’un ou plusieurs vœux. On a ainsi plusieurs fois eu l’occasion de le faire dans ces colonnes s’agissant de l’achat public et de ses acteurs. Le moins que l’on puisse dire est que l’exercice n’est pas aisé en cette fin d’année 2020, année qui a été si particulière pour tous et donc pour les acheteurs publics et leurs prestataires. On va toutefois prendre le parti d’adopter un ton positif et de parier pour 2021 sur une maturité de la commande publique et de ceux qui l’animent.
Lire plusGrand Paris : Sequano passe en revue ses 4 ZAC du Canal de l'Ourcq
En tout, 116 hectares sont ici "zaqués", pour développer pas loin de 1 million de m² de constructions, bien engagés par endroits, tâtonnants ailleurs... Une première : une "mission transversale" lancée par l'aménageur Sequano est l'occasion d'un point lot par lot de l'état d'avancement, des potentiels et des blocages. A Bondy, à Romainville, à Bobigny, à Noisy-le-Sec, programmation et chantiers vont connaître un début de coordination, sur fond de réinterrogation de plusieurs secteurs à urbaniser... autrement. Les quatre communes ont changé de majorité lors des dernières élections, tout comme l'EPT Est Ensemble, compétent en matière d'aménagement, et donc, concédant des ZAC.
C'est la première fois qu'une mission commune va être confiée sur l'ensemble du périmètre de 4 ZAC du Canal de l'Ourcq. Un "marché transversal" d'OPC va être attribué après mise en concurrence (voir consultation en fin d'article). Toutes quatre concédées à Sequano pour l'aménagement, situées dans quatre villes différentes, les ZAC ne se "parlaient" pas, ou à peine. Bien sûr, elles avaient un aménageur en commun, mais les gouvernances politiques étaient cloisonnées, bien que la compétence soit détenue par l'établissement public territorial Est Ensemble. Il n'avait pas été possible, par exemple, d'orienter les opérations du Pont de Bondy, sans prendre l'avis prépondérant du maire de Noisy-le-Sec.
Reconquête urbaine autour de la route et de l'eau
Les ZAC se sont, de fait, développées indépendamment l'une de l'autre. Voici que Sequano souhaite désigner un OPCU pour coordonner leur développement et leurs chantiers, à grande échelle mais aussi à celle des secteurs opérationnels (voir en fin d'article).
A grande échelle, la logique du territoire estimé par Sequano à 500 ha est structurée par deux axes parallèles : celui du canal de l'Ourcq, et celui de l'ex-RN3. Ce double axe radial par rapport à Paris supportera de nouveaux modes de transport : le TZEN3 sur la route que le département veut transformer en boulevard urbain avec son nouveau transport à l'horizon 2023. Mais aussi le canal, support de transport fluvial.
En rocade, le tram-train 11 doit arriver du Bourget au carrefour de la Folie à Noisy-le-Sec en 2024, sous maîtrise d'ouvrage SNCF.
Toujours à Noisy-le-Sec, la ligne 15 du Grand Paris Express est attendue à l'horizon 2030, au pont de Bondy - un secteur dont l'aménagement et les projets sont en cours d'adaptation. Le tramway 1 venu de Saint-Denis y sera en interconnexion.
Le total des programmes
A horizon 2030, suivant les programmations inscrites dans les dossiers de réalisation des ZAC, seront construits :
- 6 600 logements
- 470 000 m² de bureaux et activités
- 72 000 m² de commerces
- Des équipements de proximité : écoles, crèches, centres de loisirs
- Des équipements structurants : équipements culturels et sportifs
- De nouveaux espaces publics dont les berges du canal
- 4 passerelles
- 1 port requalifié et 2 nouveaux ports