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Le 21/12/2021 à 16h

Devoir de vigilance et marchés publics : faux départ ou anticipation ?

La loi du 22 août 2021 dite «Climat et résilience» introduit la notion de «plan de vigilance» dans la commande publique en créant un nouveau motif d’exclusion au stade de la candidature. Plus précisément, si l’acheteur public le prévoit dans le dossier de consultation et que la société est concernée par la mise en place d’un tel plan, cette dernière sera exclue de la procédure si elle n’a pas satisfait pas à cette obligation légale.

Devoir de vigilance et marchés publics : faux départ ou anticipation ?

Issue de la loi relative au devoir de vigilance de 2017, l’établissement et la mise en place effective d’un plan de vigilance vise à prendre des « mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle (…) ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation ».

Concrètement, le plan de vigilance est un plan de prévention ex-ante (et non un reporting ex-post) portant sur toute la chaine d’approvisionnement du donneur d’ordre. Ce plan de vigilance concerne les sociétés françaises (à l’exception des SARL et SNC) employant au moins 5 000 salariés en son sein ou dans ses filiales (directes ou indirectes) en France ou au moins 10 000 salariés en son sein ou dans ses filiales (directes ou indirectes) dans le monde.

Au regard de la difficulté d’identifier les liens capitalistiques entre les sociétés et en l’absence de liste officielle, il est impossible de cartographier les sociétés concernées par l’établissement d’un plan de vigilance. Cette problématique a été soulignée dans le rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la loi et révèle qu’aucun service de l’Etat ne dispose des données pour déterminer les sociétés concernées. A ce jour, seules les ONG Sherpa et Terre Solidaire tiennent une liste (non exhaustive) permettant d’identifier des sociétés qui n’auraient pas publier leur plan de vigilance (dont certaines sont titulaires de nombreux marchés publics).

Par conséquent, bien que ce nouveau motif d’exclusion ne soit pas encore entré en vigueur (au plus tard en août 2026), il n’est pas applicable par les acheteurs publics en l’état. Aussi, il est souhaitable, d’une part, qu’une autorité administrative soit désignée afin d’établir une liste officielle et d’assurer le suivi de l’application de la loi et, d’autre part, que l’établissement d’un plan de vigilance vise également les sociétés (avec un seuil à définir) ayant leur siège en Union européenne (UE) et hors UE lorsque ces dernières exercent leurs activités sur le marché intérieur en vendant des marchandises ou en fournissant des services.

Tel est le sens de la résolution du Parlement européenne du 10 mars 2021 relative au devoir de vigilance. Cette résolution devrait déboucher sur la publication d’un premier projet de directive en décembre 2021 par la Commission européenne.

Si les évolutions proposées par le Parlement entrent en vigueur avant ou concomitamment au nouveau motif d’exclusion dans les marchés publics, elles permettront une application effective de ce dernier. A défaut, l’intégration dans le code de la commande pourra être interprétée comme un faux départ.

Baptiste Vassor, Consultant achats publics

Propos recueillis lors de la 190eme session d’études de l’APASP

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