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Le 21/09/2017 à 13h

Commande publique : le retour de la maîtrise d’œuvre ?

Longtemps bousculée par le développement des contrats globaux et tout particulièrement des partenariats publics-privés, la maîtrise d'œuvre a retrouvé un deuxième souffle au sein des contrats de la commande publique.

La loi CAP de juillet 2016 et son décret d'application de mai 2017 ont ainsi opéré une petite révolution, imposant non seulement l'identification d'une équipe de maîtrise d'œuvre au sein des marchés publics globaux mais aussi l'obligation pour les maîtres d'ouvrage publics de lui confier une mission de base.

Commande publique : le retour de la maîtrise d’œuvre ?

Un positionnement reconnu

En vertu de l'article 35 bis issu de la loi du 16 juillet 2016 relative à la création, à l'architecture et au patrimoine, il est dorénavant obligatoire d'identifier une équipe de maîtrise d'œuvre chargée de la conception de l'ouvrage et du suivi de sa réalisation au sein des marchés publics globaux.

Sont concernés les marchés de conception-réalisation (article 33 du décret du 25 mars 2016), les marchés globaux de performance (article 34) et les marchés globaux sectoriels (article 35 - immeubles affectés à l'armée, à la police, à la gendarmerie, aux sapeurs-pompiers de Paris, aux établissements pénitentiaires...).

L'article 35 bis est une réponse aux critiques récurrentes des maîtres d'œuvre qui s'estimaient noyés - à juste titre ? - au sein des équipes répondant aux procédures de marchés globaux, et sous la coupe des entreprises de travaux.

Le décret 2017-842 du 7 mai 2017 portant adaptation des missions de maîtrise d'œuvre aux marchés publics globaux est allé encore plus loin, dès lors qu'il impose une mission de base au sein des contrats globaux concernés.

Ces éléments de mission comprennent les études d'avant-projet définitif et les études de projet, auxquelles peuvent se rajouter les études d'esquisse et les études d'avant-projet sommaire. S'agissant du suivi de l'exécution du marché, la mission doit aussi comprendre les études d'exécution ou le visa, si les études ne sont pas réalisées par l'équipe de maîtrise d'œuvre elle-même, c'est à dire le suivi de la réalisation des travaux et le cas échéant leur direction (réunions de chantier et rédaction des procès-verbaux). Ne figurent pas, par contre, la réception des travaux, l'établissement du décompte général et la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement, auxquels le maître d'œuvre est seulement susceptible d'être associé.

Un rôle limité

La mission de base " contrats globaux" est donc moins étendue que la mission de base "marchés séparés" telle que définie par le décret 93-1268 du 29 novembre 1993 , s'agissant surtout du suivi de la fin du chantier. Cela s'explique par le fait que, dans les contrats globaux, le maître d'œuvre n'a pas le même positionnement au regard du maître d'ouvrage que dans les marchés séparés. Ainsi, lors des opérations de réception et de levée des réserves, il se situe davantage aux côtés de l'entreprise que de celui du maître d'ouvrage, ce qui pose dans ce cas le maintien de son devoir de conseil auprès de ce dernier et de la responsabilité qui en découle- voir décision du Conseil d'Etat évoquée ci-après.

Du côté de la maîtrise d'ouvrage, qui a plutôt l'habitude de se reposer sur son maître d'œuvre pour effectuer de telles taches, une réflexion en termes d'organisation et de compétence en interne s'impose donc. Une autre solution est de recourir à une assistance à maîtrise d'ouvrage, afin de pouvoir être efficacement secondée dans ces étapes cruciales de fin des travaux et de transfert de l'ouvrage réalisé.

Malgré cela, le rôle du maître d'œuvre reste important dans les marchés globaux, sans doute davantage au niveau de la conception que du suivi de l'exécution des travaux. On rappellera ainsi que les marchés globaux, et avant tout les marchés de conception réalisation et les marchés de performance, doivent faire intervenir un jury notamment appelé à se prononcer sur les prestations de conception proposées par les candidats au marché, à l'instar de ce qui se pratique au sein des procédures de concours de maîtrise d'œuvre.

Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP
Directeur Scientifique du Cercle Colbert


La responsabilité du maître d'œuvre recherchée



Les contentieux mettant en cause les manquements des maîtres d'œuvre dans leurs missions de conception et / ou de suivi d'exécution ne sont pas rares.

Ainsi, dans un arrêt du 19 avril 2017, Montpellier Méditerranée Métropole , le Conseil d'Etat a annulé un arrêt de la Cour Administrative de Marseille qui avait diminué le montant de la condamnation du maître d'œuvre en imputant au maître d'ouvrage des fautes qui lui étaient reprochées. S'agissant en l'espèce de désordres - problèmes de perméabilité du terrain et dysfonctionnements du système de drainage - apparus dans le cadre de la réalisation d'un complexe sportif destiné aux compétitions de rugby, le Conseil contredit la Cour qui avait estimé que le maître d'ouvrage était responsable d'un arrosage trop intensif de la pelouse et d'une utilisation elle-même trop intensive du terrain par une équipe de rugby - l'Australie en l'espèce.

Le Conseil d'Etat a relevé que ces usages étaient conformes aux prescriptions techniques de l'ouvrage et à sa destination normale, et qu'ils ne pouvaient exonérer le maître d'œuvre de sa responsabilité au regard de son manquement à son devoir de conseil du maître d'ouvrage au moment de la réception des travaux.

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