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Le 05/10/2017 à 10h

Délais de paiement : progrès et zones d’ombre

L'accélération des délais de paiement dans les marchés publics est un objectif depuis longtemps partagé tant par la commission européenne que par les différents Etats membres de l'Union dont la France.

De fait, la loi 2013-100 du 28 janvier 2013 et son décret d'application 2013-269 du 29 mars 2013 sont venus fixer des délais maximum relativement courts, à savoir 30 jours - 50 pour les hôpitaux et 60 pour les pouvoirs et entités qui ne sont pas des personnes publiques - qui cumulent les opérations d'ordonnancement et de paiement.

Ces chiffres masquent en réalité des situations disparates entres acheteurs publics, bien qu'une amélioration globale ai pu être constatée dans les statistiques récentes, notamment dues à des expérimentations dont les résultats ont été plutôt positifs.

Délais de paiement : progrès et zones d’ombre

Des résultats en trompe l'œil ?

Les dernières données du rapport 2016 de l'Observatoire des délais de paiement, remis le 22 mars 2017 au ministre de l'économie, sont plutôt encourageantes : au niveau local, ainsi, elles présentent un délai moyen de paiement des communes de 21,6 jours; les petites communes semblant souvent mieux se débrouiller que les grandes. Et au sein de ce délai global, celui du comptable public serait passé en un an de 7,2 à 8,3 jours. Pour l'Etat, le délai est de 24,5 jours pour la commande publique...sachant qu'il s'est engagé - c’était en tout cas dans les discours des responsables du ministère des finances l'année dernière- à atteindre 20 jours en 2017.

Une simple lecture des rapports d'observation des chambres régionales des comptes et du rapport annuel de la cour des comptes montre que la situation est bien plus contrastée. Si, effectivement, des progrès notables ont été observés tant s 'agissant des acheteurs locaux que nationaux, il n'est pas rare de voir des délais - qu'il s’agisse d'hôpitaux, d'intercommunalités, d'entreprises publiques locales ou, sans être exhaustif, d'établissements publics nationaux - qui dépassent allègrement les 100 jours. Sans la citer, un de ces rapports fait ainsi état d'une commune au sein de laquelle le délai de paiement de ses fournisseurs est supérieur à... 3200 jours.

Et puis, comme le dit joliment le rapport de l'observatoire, si la situation des délais de paiement dans la commande publique est "globalement satisfaisante", cela ne règle pas le problème du règlement - ou plutôt du non règlement - des intérêts moratoires dès lors qu'ils sont dus. Rappelons simplement que ces intérêts doivent être payés dans un délai de 45 jours suivant la mise en paiement du principal, que c'est une dépense obligatoire pour les collectivités locales et qu'ils sont d'ordre public ; ce qui signifie qu'un créancier ne peut en aucun cas y renoncer et qu'il serait illégal de transiger à cette fin.

Initiatives locales

Un des objectifs des collectivités locales est d'améliorer la fluidité de la chaîne du paiement, notamment via la dématérialisation des échanges ordonnateurs – comptables. Un protocole dit Helios - dont la dernière version est dénommée PES V2 - a ainsi été mis en place il y peu, sachant qu'il existe d'ores et déjà de nombreuses conventions signées entre ces différents acteurs afin de fluidifier leurs relations et bien se répartir leurs rôles et leurs délais.

Sur ce sujet de la dématérialisation, celle des factures qui a débuté le premier janvier dernier pour les entreprises les plus importantes pour s'achever en 2020 pour les plus petites sera certainement un vecteur d 'accélération des procédures de paiement, si tant est que tous les acteurs concernés s'en donnent les moyens et s'organisent en conséquence. Selon la Direction Générale des Finances Publiques – DGFIP -, la plateforme Chorus pro mise en place pour réceptionner et permettre le traitement de ces factures enregistrerait à ce jour plus d'un million de mouvements par mois.

Il existe également le mécanisme du "contrôle allégé en partenariat" (CAP), qui consiste pour le comptable public à auditer le dispositif de contrôle interne de l'ordonnateur, afin par la suite d'alléger et accélérer son propre contrôle. On peut également citer le contrôle "hiérarchisé" de la dépense, qui a pour objectif de moduler les contrôles comptables au regard de la nature des dossiers et de leurs enjeux- ce qui ne partait pas évident à définir de prime abord - ou encore la mise en place de services facturiers, qui conduit à la centralisation par le comptable de toutes les factures des fournisseurs d'un même ordonnateur – voir à ce sujet de l'optimisation la chaîne de la dépense locale, qui traduit bien l'importance de la recherche d'une organisation à la fois souple et efficace tout en restant sécurisée, réponse ministérielle publiée au JOAN du 7 février 2017, p 1055.

Le problème est que de tels mécanismes sont souvent davantage connus et pratiqués par les services financiers des collectivités, et non par les acheteurs eux-mêmes qui ont donc du mal à se les approprier. Afin d'y remédier, certaines structures ont mis en place des groupes de travail interservices sur ce sujet des outils d'accélération des délais de paiement dans les marchés publics mais aussi, plus largement, sur l’exécution financière de ces derniers et notamment la mise en œuvre des pénalités, les avances et acomptes ou encore la révision des prix ; thèmes encore trop souvent laissés de côté alors qu'ils représentent le cœur d'une bonne- ou mauvaise- exécution des marchés publics.

Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP
Directeur Scientifique du Cercle Colbert


L'Etat peut se faire condamner pour carence dans son contrôle financier d'une commune


C'est ce qui ressort d'un arrêt du Conseil d'Etat du 28 juin 2011, Société la Routière Guyanaise. Cette dernière avait saisi la justice alors qu'elle n'avait pas été payée pour des travaux de voirie réalisés pour le compte d'une commune, qui connaissait d'importantes difficultés financières.

Contrairement au tribunal administratif et à la Cour Administrative d'Appel, le Conseil d'Etat a reconnu l'Etat - en l'espèce la Préfecture - coupable de ne pas avoir mis en œuvre les procédures de contrôle budgétaires fixées par le CGCT' avec toute la rigueur qu'imposait la dégradation de la situation financière de la commune', s'agissant notamment de la saisine de la chambre régionale des comptes qui a plusieurs fois été effectuée trop tard alors que les budgets avaient été votés en déséquilibre et les comptes administratifs adoptés hors délais. Et selon le Conseil d'Etat, 'le Préfet s'est abstenu de prendre des mesures significatives pour remédier à l'endettement et contenir le déficit croissant de la commune dont le fonctionnement courant n'était assuré qu'au prix d'un volume croissant de factures impayées'.

Sans aller jusqu'à mettre à la charge de l'Etat la dette de la commune, le juge le condamne à verser à cette dernière une somme équivalente aux intérêts calculés à compter du 1er janvier de l'année qui a suivi le premier avis de la CRC ( 1er janvier 1996 en l'espèce) jusqu'à la date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif ( 20 octobre 2000), soit un délai de plus de quatre ans. A rapprocher cependant du délai qui s'est écoulé entre cette saisine et la décision du Conseil d'Etat, soit près de 11 ans et même 15 si on prend comme point de départ la saisine de la CRC...si un tel arrêt est juridiquement intéressant pour l'entreprise concernée, ses conséquences concrètes sont arrivées bien tard et il n'est pas certain qu'elle ait eu le temps de vraiment en profiter.


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