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Le 02/11/2017 à 13h

La nécessaire professionnalisation des acheteurs publics : la piqûre de rappel de la Commission européenne

Dans une communication 2017/1805 du 3 octobre 2017 dénommée" concevoir une architecture pour la professionnalisation de la passation des marchés publics " (JOUE du 7 octobre 2017, L 259/ 28), la Commission européenne propose aux Etats membres et à leurs administrations une méthode visant à accélérer la professionnalisation de leurs acheteurs publics.

Fruit d'un travail de réflexion et d'échanges long de plusieurs années, auquel l'APASP (l'Association Pour l'Achat du Service Public) a pu participer, il repose sur le lien entre le professionnalisme des praticiens des marchés publics et l'effet exercé par ces derniers sur l'ensemble de l'économie. Les gains résultant de la résolution des problèmes liés à la professionnalisation sont estimés à plus de 80 milliards d'euros.

La nécessaire professionnalisation des acheteurs publics : la piqûre de rappel de la Commission européenne

Une ardente obligation

"La passation des marchés publics est un instrument permettant de parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive". Cette première phrase du texte de la recommandation illustre bien l'impact de la commande publique sur l'économie et la priorité pour la Commission d'un secteur impactant la croissance, la création d'emploi et les échanges transnationaux.

Elle insiste sur deux éléments essentiels. Le fait que, d'une part, les dernières directives de 2014 aient fourni aux acheteurs publics des Etats membres les outils leur permettant de mettre en place des politiques de marchés publics efficientes et stratégiques. C’est d'ailleurs indéniable, du sourcing à la procédure concurrentielle avec négociation en passant par l'accélération de la dématérialisation. Mais, et c'est la toute la pertinence de la recommandation, il ne suffit pas d'avoir des outils pour rendre plus efficace la commande publique, encore faut-il avoir les moyens et la capacité de bien les utiliser.

D'autre part, la Commission rappelle que les marchés publics sont utilisés - on pourrait dire instrumentalisés - à des fins diverses et variées, qu'il s'agisse de l'innovation, de l'inclusion sociale, de la durabilité économique et environnementale ou encore de la réduction du gaspillage ainsi que de la fraude et de la corruption. Les Etats membres attendent ainsi beaucoup des marchés publics, qui sont devenus pour la grande majorité d'entre un des fers de lance de leurs politiques publiques.

C'est dans ce contexte qu'il apparait plus que nécessaire d'œuvrer pour "l'amélioration générale de l'ensemble des compétences, aptitudes, connaissances et expériences professionnelles des personnes qui accomplissent des taches liées à la passation des marchés publics".

Pour une démarche stratégique globale

La méthode proposée par la Commission tourne autour de trois objectifs.

Le premier est relatif à l'élaboration et la mise en œuvre par les Etats membres de stratégies à long terme de professionnalisation de la passation des marchés publics, ce qui nécessite " un soutien politique de haut niveau". On se situe donc clairement dans le champ de la décision politique, qu'elle soit nationale ou locale ; décision qui doit se fonder, notamment, "sur l'expertise et l'appui des établissements de formation, des centrales d'achat et des organisations professionnelles axées sur les marchés publics". Ce volet de la recommandation doit parler à un pays comme la France, qui est plutôt bien pourvue en la matière. Il en est d'ailleurs de même s'agissant de l'ambition pointée par la recommandation de mise en place et de soutien d'offres de formation initiale au niveau des deuxième et troisième cycles universitaire. A l'instar des spécialités de Master 2 qui existent au sein de certaines universités, comme le M2 achat public de Paris - Saclay, qui repose sur une formation pluridisciplinaire mêlant entre autres le droit et le chiffre, les moyens d'atteindre une telle ambition existent et mériteraient d'être encore développés.

Le deuxième objectif est axé sur les ressources humaines, et plus particulièrement sur la formation et la gestion des carrières des praticiens des marchés publics, dans le but de disposer d'un personnel "expérimenté, compétent et motivé" en lui offrant les formations initiales et continues nécessaires. On ne peut qu'adhérer à cet objectif de mise en place d'un filière métier "achat public" au sein de la fonction publique, sachant qu'elle devra s'adapter à certaines de ses caractéristiques s'agissant par exemple de la mobilité de ses agents.

Enfin, le troisième porte sur le volet systèmes, c'est à dire la mise à disposition auprès des praticiens des marchés publics des "outils et processus de passation intelligente", notamment électroniques, accompagnée "du regroupement des connaissances et de l'échange des bonnes pratiques". A noter parmi ces dernières, l'élaboration de codes de déontologie et de "chartes concernant l'intégrité" mais aussi, entre autres, de "documents d'orientation et manuels méthodologiques ainsi que de répertoires recensant les bonnes pratiques et erreurs les plus courantes", ou encore le développement des "communautés de praticiens à travers des forums en ligne et des réseaux sociaux professionnels".

Beau programme en perspective, sachant que les séances d'échanges et retours d'expérience partagés entre les représentants des acheteurs des Etats membres qui se sont déroulées dans la perspective de la rédaction de cette recommandation ont révélé que la plupart d'entre eux avaient d'ores et déjà largement commencé à le mettre en œuvre.

Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l’APASP
Directeur Scientifique du Cercle Colbert


Ne pas se tromper de cible



Le récent déplacement du président de la République lors de la conférence des territoires ultra périphériques qui s'est tenue en Guyane a mis en lumière l'importance pour lui de la commande publique et de l'achat local dans une perspective de développement économique. Mais, et c'est en cela que la recommandation de la Commission européenne - dont le président était d'ailleurs également présent en Guyane - sonne juste. Au-delà des problèmes juridiques susceptibles d'être rencontrés par une pratique mal maitrisée du localisme, l'impact de la commande publique ne pourra être efficace que s'il y a des élus et agents à la hauteur, notamment en termes de compétences, pour élaborer et mettre en œuvre de vraies stratégies et actions d'achat.
Par ailleurs, et cela vaut tout autant pour les collectivités d'outre-mer que pour celles de métropole, encore faut-il que les entreprises de ces territoires suivent la demande et proposent des offres à la fois compétitives et de qualité, ce qui est loin d'être évident dans un certain nombre de secteurs. En clair, sans modèle économique réfléchi et un tant soit peu éprouvé, tout choix politique et juridique en matière de commande publique - comme celui consistant à donner la possibilité aux acheteurs d'imposer dans leurs marchés le recours à un quota déterminé de PME - risque de rester lettre morte.

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