Si la doctrine et la jurisprudence se sont souvent penchées sur les modalités de déroulement des phases de négociation entre les acheteurs publics et les candidats à l'obtention d'une convention de délégation de service public, et donc aujourd'hui de concession, la question du dernier stade des négociations a plus rarement été abordé.
Plus précisément, on peut être amené à s'interroger sur la possibilité de continuer à négocier après la remise de leurs offres finales et donc définitives par les candidats. Si cela peut paraitre paradoxal, il s'agit là d'une vraie soupape de sécurité dans le cas où les discussions entre les acteurs concernés ne permettent pas d'aboutir à un choix clair s'agissant de l'attributaire pressenti du contrat.
En vertu de l'article 46 de l'ordonnance 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession, " les autorités concédantes peuvent organiser librement une négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires dans des conditions prévues par voie règlementaire. La négociation ne peut porter que sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation ".
Deux indications importantes peuvent en être retirées. D'une part, la négociation dans la procédure de concession n'est pas obligatoire et n'est qu'une faculté offerte aux acheteurs. D'autre part, si ces derniers conservent une certaine liberté en la matière, les textes viennent l'encadrer et limiter son périmètre.
Ainsi, on ne peut plus soutenir, comme cela était le cas sous l'empire des anciens textes, " qu'aucune règle n'encadre les modalités de l'organisation des négociations par la personne publique", ce qui rendait par exemple possible la poursuite des discussions avec un candidat sans prévenir les autres, même après l'achèvement officiel des phases de négociation (CE, 18 juin 2010, Cté Urbaine de Strasbourg et Sté Séché Eco Industrie, req n°336120).
Les acheteurs conservent cependant une certaine marge de manœuvre dans l'organisation des négociations, ne serait-ce qu'en termes de calendrier et de phasage. Rien ne leur interdit par exemple de prévoir plusieurs phases de négociation, voire d'éliminer des candidats au fur et à mesure du déroulement de ces phases. En toute transparence, et comme en marchés publics, il est bien sur préférable dans ce cas de prévoir un tel déroulement dans un document donné à l'ensemble des candidats sélectionnés du type règlement de consultation ou de négociation.
Cette liberté peut-elle aller jusqu'à continuer à négocier non pas avec un mais avec l'ensemble des candidats alors que les phases de négociation, tout en étant terminées, n'ont pas donné satisfaction et n'ont pas permis de départager lesdits candidats ?
S'agissant de l'attribution des contrats, les textes sont relativement évasifs quant à l'autorité compétente, qui est en l'espèce" l'autorité concédante "- v. article 47 de l'ordonnance du 29 janvier 2016. Mais les dispositions applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements sont heureusement plus précises. L'article 58 de l'ordonnance indique ainsi que l'autorité habilitée à signer la convention " saisit l'assemblée délibérante du choix de l'entreprise auquel elle a procédé"- article L1411-5 -I du CGCT-, ce qui n'est que la continuité de dispositions applicables depuis la loi Sapin.
En d'autres termes, la décision d'attribution du contrat revient au final à l'assemblée délibérante. Ainsi, le Maire d'une commune ne peut souscrire un contrat de concession avec un opérateur sans en avoir été autorisé par une délibération expresse et préalable du conseil municipal (CE, 10 janvier 2007, Sté des pompes funèbres et conseillers funéraires du Roussillon, req 284063). Et dès lors que ledit conseil s'est prononcé en faveur d'un attributaire, le maire n'a pas la possibilité de reprendre les négociations avec ce dernier et proposer à l'assemblée d'approuver un contrat modifié de façon substantielle (CAA Marseille, 26 mars 2007, Mme F. Daerden et Mme N. Guerin, req 04MA00354).
Par contre, et c'est là que cela devient intéressant au regard de la question posée, l'assemblée délibérante peut, si elle est saisie d'une proposition de l'exécutif en ce sens, l'inviter à poursuivre les discussions avec les candidats de son choix (CE, 9 aout 2006, Compagnie Générale des Eaux, req 286107). Au-delà, aucun principe ni aucun texte n'obligent l'assemblée à entériner la proposition de classement des offres telle qu'elle résulte tant du rapport de la commission de concession que du choix de l'exécutif. Même sans demande explicite de ce dernier, elle peut donc librement décider de ne pas attribuer le contrat et solliciter une reprise des négociations, par exemple s'il apparait que le choix n'est pas suffisamment motivé ou que le résultat des discussions n'est pas satisfaisant en termes financiers ou de qualité des offres proposées (CAA LYON 28 décembre 2007, Sté Spie SA, req 03LY01511). A titre d'illustration, l'assemblée peut estimer que les engagements de performances en termes d'économies d'énergies sont insuffisants ou pas assez explicités par les candidats, ou que certains postes relatifs à la maintenance d'un équipement ne sont pas assez précisément chiffrés.
En l'espèce, il doit s'agir de vraies négociations, susceptibles de faire évoluer les offres de manière importante- voire de modifier le classement initial- tout en restant dans le périmètre fixé par l'article 46 précité de l'ordonnance. En effet, des pseudo négociations videraient de leur sens la décision de l'assemblée justement relative à la poursuite de ces négociations.
Dans ce cas, une attention particulière devra être portée à certains éléments, s'agissant notamment du contenu du rapport devant être transmis à l'assemblée, contenu qui devra être suffisamment précis sur le déroulement de la procédure et l'analyse des offres afin de satisfaire aux obligations de transparence auprès des élus... tout en ne dévoilant pas tout à ce stade, alors que la procédure de passation n'est pas achevée, s'agissant surtout du contenu des propositions des candidats dans le but de préserver leurs secrets commerciaux et professionnels.
Jean-Marc PEYRICAL
Président de l'APASP
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Directeur Scientifique du Cercle Colbert
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