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Le 25/04/2018 à 15h

L'acheteur public pris en tenaille entre numérisation, innovation et gestion du risque

La dernière session d'études de l'Apasp qui s'est tenue aux Echos les 5 et 6 avril a en grande partie été consacrée à des réflexions quelque peu éloignées du droit de la commande publique en tant que tel. Data au service de la performance des soins, smart city et innovation, anticipation et gestion du risque : de tels thèmes, bien sûr traités en liaison avec l'achat public, ont traduit une profonde évolution du métier - ou des métiers- d'acheteur public. Le caractère pour le moins paradoxal de cette évolution est apparu au grand jour, les acheteurs souhaitant à la fois moderniser et dynamiser leurs pratiques d'achat tout en se sécurisant au maximum en adoptant une politique du risque... minimum.

L'acheteur public pris en tenaille entre numérisation, innovation et gestion du risque

Vivre avec son temps

Compliance, transformation numérique, digitalisation, Data, archivage, innovation, développement des territoires : l'achat public, saisi par de tels thèmes d'actualité, n'a jamais été aussi passionnant. Il confirme par la même qu'il est devenu un instrument privilégié au service des politiques publiques, et qu'il est utilisé, avec d'autres outils, en vue de moderniser l'action publique et ses liens avec la sphère privée.

Sur ce dernier point, le cas de l'innovation est particulièrement révélateur et a été un des fils rouges de la session d'études. Les acheteurs publics sont appelés à prendre de plus en plus en compte l'innovation dans leurs achats, à l'initier mais aussi la stimuler dans le cadre d'un mécanisme comme celui du partenariat d'innovation. Il s'agit justement de mettre en place de nouvelles formes de partenariat avec les entreprises, et, à travers une démarche exploratoire et prospective, de construire ensemble des contrats de recherche-développement avec acquisition de produits, services ou travaux non disponibles sur le marché. Cela nécessite une forte organisation des services d'achat souhaitant se lancer dans l'aventure, ne serait qu'en terme de sourcing afin d'être justement certain de cette non disponibilité...en y ajoutant la relative complexité du déroulement des procédures concernées, et notamment celle du partenariat d'innovation en procédure concurrentielle avec négociation, ou les problématiques liées aux droits de propriété intellectuelle sur l'exploitation des produits ou services nouveaux, on comprend que de nombreux acheteurs regardent cette forme de partenariat avec circonspection, et qu'elle ne peut concerner que ceux d'entre eux qui disposent des moyens et compétences suffisant pour la mener à bien.

Au-delà du caractère novateur des prestations concernées, l'innovation doit aussi concerner l'achat public lui-même, tant dans son organisation que dans ses méthodes de préparation, de passation et d’exécution des marchés. Il s'agit d'une question d'apprentissage d'une nouvelle culture, ce qu'a par exemple compris la Direction des Achats de l'Etat qui a monté depuis 2015 un séminaire d’acculturation à l'innovation à l'attention de ses acheteurs.

Un impératif de protection et de sécurisation

La session a par ailleurs mis en avant une évolution forte de la prise de conscience des acheteurs de l'importance de l'identification, la prévention et la gestion de leurs risques, tout particulièrement en achat public. Se développent ainsi de plus en plus de procédés comme celui de la cartographie des risques. Une telle cartographie apparait aujourd'hui incontournable, à l'instar de ce qui est utilisé dans les entreprises, surtout dans le contexte sus évoqué de développement de l'innovation et de la prise de risque qui leur est intrinsèquement associé. Sans être exhaustif, les risques notamment évoqués ont été ceux portant sur l'interruption d'activité, les incidents cyber, les évolutions législatives et réglementaires, les délits, les contentieux relatifs à la passation mais aussi entre les parties au contrat, les atteintes à la santé et la sécurité des personnes ou encore à l'environnement, le travail dissimulé, la fraude au détachement...

Par ailleurs, en liaison avec la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, les mécanismes d'alerte se multiplient et font même l'objet d'une certification de qualité – ISO 37001 en l'espèce –.

La présentation de l'organisation de la gestion du risque par la société franco- italienne pour la réalisation et l'exploitation du tunnel euralpin Lyon-Turin-TELT - a été particulièrement frappante. - voir encadré-.

Difficile d'affirmer que ces modalités de gestion des risques propres à cet exemple spécifique sont transposables à d'autres entités, notamment publiques. L'intérêt que lui ont porté les acheteurs présents lors du colloque témoigne cependant de leur prise de conscience de l'importance d'un tel sujet, qui rajoute une pierre à la réflexion sur l'organisation de leur service et, au-delà, de la structure au sein de laquelle ils sont appelés à exercer leurs fonctions avec le maximum d'efficience...et de sécurité tant de décision que d'action. Le tout est de trouver un équilibre entre innovation et sécurisation, le second ne pouvant prendre trop d'importance au regard du premier sous peine de l'étouffer et de le rendre inefficace et sans effet.

Jean-Marc PEYRICAL
Avocat à la Cour, Président de l’APASP




La société TELT a mis en place un modèle d'organisation et de contrôle très perfectionné, A l'instar de ce que l'on retrouve au sein des sociétés Américaines, un Risk manager définit et gère le processus de gestion des risques au sein de la société. Basé sur une approche préventive des problèmes, ce processus maintien toutes les sources d’incertitude en dessous du niveau que la Direction de TELT a jugé acceptable, en distinguant les risques internes (par exemple erreurs possibles de gestion d’un processus) et externes (actions unilatérales d'un ministère ou d’un organisme européen, actes de nature frauduleuse) avec des actions bien spécifiques comme celle consistant à observer l'économie locale et le tissu social afin de limiter le risque d'infiltrations mafieuses et de corruption. Ont ainsi été mis en place tout un système de normes internes- statuts, système d’attribution des pouvoirs et responsabilités, code éthique, règlement interne des contrats, guide des meilleures pratiques nationales et internationales. Et la Risk manager s'appuie sur un Système de gestion qualité intégré qui vise à l'amélioration permanente des performances de l'entreprise et de la qualité de ses prestations, en relation avec la norme iSO 9001 qualité et la méthode dite « PCDA » (Plan-Do-Check-Act), bien connue de beaucoup d’entreprises en France mais encore peu des structures publiques et para publiques. À côté de l'environnement, de la sécurité au travail et de la corruption, les contrats représentent une zone de risque prioritaire et font l'objet d'un suivi particulier de la part de la Risk manager, assistée en l'espèce par une commission contrats et basé sur un reporting permanent entre la personne chargée d'une mission donnée, son supérieur, la Risk manager et le directeur général qui valide les seuils d’acceptabilité et les mesures proposées au regard du risque identifié. Communication permanente entre tous les niveaux et traçabilité de tous les flux d'information permettent à ce système de prévention et de contrôle de fonctionner avec efficacité et fluidité.


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