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Le 13/12/2018 à 19h

Code de la commande publique : la fin de l’arlésienne

Après plusieurs tentatives restées infructueuses ces vingt dernières années, le Code de la Commande Publique tant attendu a enfin été publié le 5 décembre dernier pour une entrée en vigueur prévue au 1er avril 2019. Laure BEDIER, directrice des affaires juridiques de Bercy, l’a présenté en avant-première dans le cadre d’un colloque de l’APASP qui s’est tenu aux Echos, les 6 et 7 décembre derniers.

Code de la commande publique : la fin de l’arlésienne

Le résultat d’une vaste concertation

Ainsi que l’a précisé madame Bédier, le code de la commande publique est le fruit de deux ans de travail soutenu, le gouvernement ayant été habilité par la Loi SAPIN 2 du 9 décembre 2016 à adopter une ordonnance dans ce délai maximum. Les travaux, menés sous la houlette de la commission supérieure de codification, ont réuni un groupe d’experts composé d’universitaires, d’avocats et de représentants de différentes fédérations et associations composants le paysage de l’achat public ; groupe d’experts qui a pu se prononcer sur de nombreuses questions touchant tant au périmètre qu’à l’architecture et au contenu de ce texte. La consultation publique a recueilli de son côté plus de 800 observations, preuve de l’intérêt d’un tel projet ; plusieurs propositions effectuées ayant été prises en compte dont celle relative à la codification du sort des biens des contrats de concession.

Si ce travail de codification a permis de rassembler en un seul volume des textes jusque-là épars – Ordonnances et Décrets relatifs aux marchés publics et aux concessions, loi MOP de 1985, loi sur la sous-traitance de 1975, loi de 2013 sur les délais de paiement, dispositions diverses sur l’arbitrage, l’économie sociale et solidaire, le 1% artistique ou encore les comités consultatifs de règlement amiable … - , il a été élaboré à droit constant et n’emporte donc aucune modification des dispositions relevant de l’ensemble de ces textes. Il en résulte un ouvrage relativement volumineux comprenant à ce jour 1747 articles, sans compter les avis et arrêtés qui doivent prochainement venir le compléter en annexe.

S’agissant du plan du code, il a finalement été choisi de le diviser en trois parties : une première relative aux définitions et au champ d’application de l’ensemble des contrats de la commande publique, et deux autres parties respectivement applicables aux marchés publics et aux concessions. La summa divisio du droit européen est ainsi respectée, même si on peut toujours discuter de son fondement et de son utilité. Classiquement, sinon, le contenu de ces deux dernières parties reprend les différentes étapes de la procédure de passation et d’exécution des contrats, cette approche chronologique autour de la vie du contrat apparaissant adaptée aux habitudes des acheteurs en la matière. Une question qui a longtemps retenue l’attention du cercle des experts a été celle de la codification de la jurisprudence. Il a finalement été opté de ne codifier que les jurisprudences les plus stabilisées, afin de ne pas aller à l’encontre de la liberté contractuelle des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices tout en leur garantissant une sécurité juridique minimale. Ont ainsi été codifiées les jurisprudences relatives à la définition de l’offre anormalement basse, à la modification unilatérale des contrats administratifs, ainsi qu’à la résiliation pour faute ou motif d’intérêt général et la force majeure. Le contentieux de la passation et de l’exécution n’a quant à lui pas été codifié, dès lors qu’il semble davantage relever du code de justice administrative. Quant aux grands principes de la commande publique, et notamment ceux dégagés par le Conseil Constitutionnel, ils ont été insérés dans la première partie du code.

Afin d’accroître la lisibilité d’un texte pour le moins touffu, une table de concordance avec les textes actuels doit prochainement être publiée.

Un droit en mouvance constante

Si les aspects essentiels de ce code de la commande publique sont appelés à rester gravés dans le marbre, il va sans nul doute être impacté par plusieurs textes en cours de préparation et/ou de discussion. Ont ainsi d’ores et déjà été intégrées les lois « EGA » du 30 octobre 2018 et « ELAN » du 23 novembre 2018 pour ce qui est de leurs dispositions relatives aux contrats de la commande publique, s’agissant notamment de l’extension des dérogations permettant de recourir au marché de conception-réalisation figurant dans cette dernière loi.

Lors de sa présentation, Madame Bédier a fait état d’autres projets de loi amenés à être discutés au parlement et ayant un lien avec la commande publique ; s’agissant notamment du projet de loi « PACTE » (interdiction des ordres de service à 0€, habilitation à transposer la directive facturation électronique) et du projet de loi « dé-surtransposition » (exclusion du champ de l’Ordonnance de 2015 des marchés publics de services juridiques de représentation et des prestations de conseil juridique s’y rattachant). Se rajoutent à ces textes le projet d’ordonnance portant sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaires de voyageurs (définition des modalités de passation des contrats de service public) ainsi que le projet de décret portant diverses dispositions relatives aux contrats de la commande publique et comprenant des évolutions significatives notamment pour ce qui est des avances, de la retenue de garantie et des PME dites innovantes.

Le code de la commande publique sera donc fortement impacté par de tels textes qui traduisent et continueront de traduire toutes les limites de la stabilisation pourtant tant recherchée du droit de la commande publique.

Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associés
Président de l'APASP, l'Association Pour l'Achat dans les Services Publics

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