Une délégation de service public peut-elle porter sur plusieurs activités à la fois, sans que cela porte atteinte à la mise en concurrence et à l'égalité de traitement entre les candidats?
Telle est la question à laquelle le Conseil d’Etat a été amené à répondre, de manière positive, dans un arrêt Communauté Urbaine du Grand Dijon c/ société Q-Park France, Indigo Infra et SAGS du 21 septembre 2016.
La Communauté Urbaine du Grand Dijon avait lancé une procédure pour la conclusion d'une DSP portant sur « l'exploitation des services de la mobilité » sur son territoire pendant 6 ans.
Il est vrai que l'objet de la délégation pouvait apparaître à la fois large et peu défini, le terme de mobilité pouvant recouvrir bien des activités. En fait, ledit englobait des services de transport urbain ainsi que la gestion de parcs de stationnement et mise en fourrière.
Des candidats à la délégation estimant qu'elle portait sur des activités distinctes et qu'un tel périmètre les empêchait de candidater, ils ont intenté un référé pré contractuel devant le Tribunal Administratif de Dijon qui leur a donné raison et a annulé la procédure.
Saisi sur la base d'un pourvoi contre cette décision, le Conseil d'Etat a, dans un considérant de principe, énoncé « qu'aucune disposition législative ni aucun principe général du droit n'impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu'il y a de services distincts ; qu'elle ne saurait toutefois, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s'imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n'auraient manifestement aucun lien entre eux ».
Et dans le cas d'espèce, il estime que les services en cause concourant à l'organisation de la mobilité des habitants sur le territoire de la communauté urbaine présentaient justement un lien suffisant, ce qui justifiait de les confier à un délégataire unique afin d'en assurer une coordination efficace.
Sachant par ailleurs que les requérants contestaient aussi l'obligation de la prise en charge par le futur délégataire de missions – vérification de systèmes de bus hybrides et de performances électriques de tramway notamment – qu'ils jugeaient étrangères à l'objet de la délégation, le Conseil d'Etat leur a là encore donné tort en estimant qu'il s'agissait de prestations accessoires présentant un caractère complémentaire audit objet.
Par cette décision, le Conseil d'Etat confirme donc la possibilité de souscrire des conventions de délégation globales, susceptibles de rassembler plusieurs activités dès lors qu'il existe un lien suffisant entre elles et qu'un service public et des usagers uniques ou quasiment uniques sont identifiables. Par comparaison, on retrouve cette idée de globalité au sein des marchés de partenariat, qui peuvent comporter des prestations de services à côté de la mission principale confiée au titulaire, la rémunération de ce dernier pouvant de plus tenir compte de revenus issus de l'exercice d'activités annexes ou de la valorisation du domaine par ce dernier (articles 67 et 82 de l'ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics).
Cela ouvre bien sûr d'intéressantes perspectives aux acheteurs publics, notamment pour les délégations portant sur l'environnement comme la gestion et le traitement des déchets ou l'eau et l'assainissement. Dans ce dernier cas, par exemple, on pourrait ainsi envisager une délégation unique portant sur la production et la distribution de l'eau potable mais aussi l'assainissement collectif et non collectif voire le Gemapi (entretien des cours d'eau) dès lors qu'un lien fonctionnel, une unicité d'usagers ainsi qu'un besoin de coordination seraient suffisamment dégagés...
Vu du côté des entreprises, l'exercice est sans doute moins évident, dès lors que de tels contrats vont les amener à davantage se grouper, tout en favorisant mécaniquement les structures les plus importantes et les plus riches et diversifiées en termes de moyens et de compétences...
Outre l'intérêt du fond de l'arrêt, le Conseil d'Etat en profite pour préciser des éléments important tant sur la procédure de référé pré contractuel que sur le rôle du juge dans ce contentieux d'urgence.
Tout d'abord, une entreprise qui avait effectué une intervention volontaire en défense devant le tribunal administratif peut se pourvoir en cassation contre la décision de ce dernier, dès lors qu'elle faisait partie des entreprises retenues en vue de remettre une offre.
Ensuite, il est confirmé qu'une société qui n'a pas présenté sa candidature ni son offre dans le cadre d'une procédure de délégation de service public est recevable à intenter un référé pré contractuel contre cette dernière dès lors qu'elle en a été dissuadée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence
Enfin, il n'appartient pas au juge des référés de juger de la méconnaissance éventuelle des dispositions du code de commerce relatives aux abus de position dominante, un moyen tiré de ce manquement devant donc être considéré comme inopérant.
Jean-Marc PEYRICAL
Avocat associé
Président de l'APASP
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