La question peut apparaître iconoclaste voire provocante, dès lors qu'il est acquis depuis longtemps que les Sociétés d'économie Mixte sont des pouvoirs adjudicateurs- ou des entités adjudicatrices en fonction de leur champ d'activité-. Pour preuve, elles sont pleinement entrées dans le giron de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et de son décret d'application du 25 mars 2016 et, du fait de l'abrogation de l'ordonnance du 6 juin 2005, sont soumises à quelques dérogations près aux mêmes règles que les personnes publiques pour la passation et l'exécution de leurs marchés.
Et puis, comment imaginer que des structures dont, en tout cas s'agissant des SEM locales, le capital est obligatoirement majoritairement public, puissent échapper aux contraintes des marchés publics?
La Cour de Cassation a pourtant eu récemment à juger d'une telle question.
Il s'agissait en l'espèce d'une SEM de Côte d'Or, la Société d'Economie Mixte d'Aménagement de l'Agglomération Dijonnaise (SEMAAD), qui exerçait diverses activités, certaines qualifiables d'intérêt général et d'autres revêtant un caractère davantage industriel et commercial. C'est justement dans le cadre de ces dernières qu'elle a lancé un avis d'appel à la concurrence en vue de la construction d'un immeuble destiné à accueillir les chambres départementales et régionales de l'agriculture. Saisi en référé pré-contractuel par un candidat évincé, le TGI de Nancy a considéré que, pour ce type de marché, la SEMAAD ne pouvait être qualifiée de pouvoir adjudicateur et que ledit marché était exclu de la commande publique. La Cour a au contraire jugé qu'un organisme dont plus de la moitié des actionnaires sont "par essence" des pouvoirs adjudicateurs et dont seules certaines de ses activités ont un caractère industriel et commercial comme la construction de l'immeuble en cause ne peut se soustraire des règles applicables aux marchés publics. A l'instar du juge européen (CJUE, 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagebau Austria AG, Aff.C-44/96), elle estime donc que, même si certaines activités d'une SEM ont un caractère manifestement industriel et commercial, cela ne saurait justifier d'écarter ponctuellement ces règles, qui s'appliquent donc à l'ensemble des marchés de la structure quelle que soit leur nature.
Dans une décision du 21 juin 2016 (Société construction De Giorgi, n°14-23.912), la Cour de Cassation a donc cassé la décision rendue sur ordonnance par le Président du TGI de Nancy qui avait à tort jugé que la SEMAAD n'avait pas agi en l'espèce comme un pouvoir adjudicateur.
Une telle décision ne tient donc pas compte de la diversité des activités susceptibles d'être exercées par de nombreuses SEM, dont la SEMAAD qui peut être titulaire de concessions d'aménagement pour le compte de collectivités locales tout en menant des opérations en propre, dans des domaines éminemment concurrentiels avec une commercialisation relevant de sa propre initiative et en en supportant seule le risque financier. Or, si l'on suit le raisonnement tant du juge européen que de la Cour de Cassation, ces activités sont noyées dans celle régies par les marchés publics, peu importe leurs caractéristiques intrinsèquement éloignées de celles relevant de ces derniers.
Approche peu réaliste en fin de compte, et peu en adéquation au regard du fonctionnement des sociétés d'économie mixte.
Et donc, quelle que soient les prestations fournies par ces dernières, elles se retrouvent sous les fourches caudines de la réglementation des marchés publics.
Dès lors, de quelle issue disposent elles pour ne pas se voir appliquer de telles règles qu'elles ne veulent pas nécessairement contourner mais voir appliquer avec équilibre en tenant compte de la nature et de la diversité de leurs activités.
Quoi d'étonnant au vu de telles décisions que certaines SEM, a l'instar de la SEMAAD, décident de franchir le pas et de se transformer en société purement privée, sans capital public?
Mais ceci est une autre histoire...
Jean-Marc PEYRICAL
Cabinet Peyrical & Sabattier Associé
Président de l'APASP (Association pour l'Achat dans les Services Publics)
Bordeaux Métropole : "L'enjeu de ce mandat est la construction d'une culture commune"
Christine Bost, la vice-présidente chargée de l'aménagement urbain et naturel et du foncier opérationnel à Bordeaux Métropole, présidente directrice générale de la Fab et maire d'Eysines.
Lire plus2021, année de la maturité pour la commande publique ?
A chaque fin d’année - ou plutôt au tout début d’une nouvelle année - il est coutume de faire un bilan ainsi qu’un ou plusieurs vœux. On a ainsi plusieurs fois eu l’occasion de le faire dans ces colonnes s’agissant de l’achat public et de ses acteurs. Le moins que l’on puisse dire est que l’exercice n’est pas aisé en cette fin d’année 2020, année qui a été si particulière pour tous et donc pour les acheteurs publics et leurs prestataires. On va toutefois prendre le parti d’adopter un ton positif et de parier pour 2021 sur une maturité de la commande publique et de ceux qui l’animent.
Lire plusGrand Paris : Sequano passe en revue ses 4 ZAC du Canal de l'Ourcq
En tout, 116 hectares sont ici "zaqués", pour développer pas loin de 1 million de m² de constructions, bien engagés par endroits, tâtonnants ailleurs... Une première : une "mission transversale" lancée par l'aménageur Sequano est l'occasion d'un point lot par lot de l'état d'avancement, des potentiels et des blocages. A Bondy, à Romainville, à Bobigny, à Noisy-le-Sec, programmation et chantiers vont connaître un début de coordination, sur fond de réinterrogation de plusieurs secteurs à urbaniser... autrement. Les quatre communes ont changé de majorité lors des dernières élections, tout comme l'EPT Est Ensemble, compétent en matière d'aménagement, et donc, concédant des ZAC.
C'est la première fois qu'une mission commune va être confiée sur l'ensemble du périmètre de 4 ZAC du Canal de l'Ourcq. Un "marché transversal" d'OPC va être attribué après mise en concurrence (voir consultation en fin d'article). Toutes quatre concédées à Sequano pour l'aménagement, situées dans quatre villes différentes, les ZAC ne se "parlaient" pas, ou à peine. Bien sûr, elles avaient un aménageur en commun, mais les gouvernances politiques étaient cloisonnées, bien que la compétence soit détenue par l'établissement public territorial Est Ensemble. Il n'avait pas été possible, par exemple, d'orienter les opérations du Pont de Bondy, sans prendre l'avis prépondérant du maire de Noisy-le-Sec.
Reconquête urbaine autour de la route et de l'eau
Les ZAC se sont, de fait, développées indépendamment l'une de l'autre. Voici que Sequano souhaite désigner un OPCU pour coordonner leur développement et leurs chantiers, à grande échelle mais aussi à celle des secteurs opérationnels (voir en fin d'article).
A grande échelle, la logique du territoire estimé par Sequano à 500 ha est structurée par deux axes parallèles : celui du canal de l'Ourcq, et celui de l'ex-RN3. Ce double axe radial par rapport à Paris supportera de nouveaux modes de transport : le TZEN3 sur la route que le département veut transformer en boulevard urbain avec son nouveau transport à l'horizon 2023. Mais aussi le canal, support de transport fluvial.
En rocade, le tram-train 11 doit arriver du Bourget au carrefour de la Folie à Noisy-le-Sec en 2024, sous maîtrise d'ouvrage SNCF.
Toujours à Noisy-le-Sec, la ligne 15 du Grand Paris Express est attendue à l'horizon 2030, au pont de Bondy - un secteur dont l'aménagement et les projets sont en cours d'adaptation. Le tramway 1 venu de Saint-Denis y sera en interconnexion.
Le total des programmes
A horizon 2030, suivant les programmations inscrites dans les dossiers de réalisation des ZAC, seront construits :
- 6 600 logements
- 470 000 m² de bureaux et activités
- 72 000 m² de commerces
- Des équipements de proximité : écoles, crèches, centres de loisirs
- Des équipements structurants : équipements culturels et sportifs
- De nouveaux espaces publics dont les berges du canal
- 4 passerelles
- 1 port requalifié et 2 nouveaux ports